Janvier Dix-Neuf Cent-Quinze Le soir enfin est arrivé Entre la Marne et Reims Les combattants, un par en sont rentrés Dans la tranchée je pense à toi
Le vent d´hiver me mord les doigts A l´heure où se taisent les canons Je t´écris les nouvelles du front…
Lou, je t´aime Lou, je t´aime Même les poètes, tu vois Font la guerre Je suis le soldat... Apollinaire
J´ai pris mon quart de nuit Ce soir je resterai debout Là où la lune luit Je n´ai pas peur, je vois tout, j´entends tout Et je vais, je tourne et je viens Près du sommeil des fantassins Entre les rires et les sanglots
Des poilus qui rêvent tout haut…
On nous dit souvent Qu´on va bientôt nous relever Du moins les survivants Malades, blessés, peut-être, mais épargnés Et un long convoi militaire Nous ramènera vers l´arrière Revoir Pâques aux premièr´s cerises Loin de la cote Cent-Quarante-Six
Lou, je t´aime Lou, je t´aime Même les poètes, tu vois Font la guerre Je suis le soldat... Apollinaire
Mais où vont les amours Que la grande guerre a fauchés? J´entends les fusils lourds Dans les flaques d´eau et les barbelés Où sont les noms des camarades Ouverts en deux par des grenades ? Qui demain les reconnaitra Sur ces bouts d´ bois taillés en croix ?
Lou, je t´aime Lou, je t´aime Tu peux dormir dans tes jolis draps blancs Je te reviendrai sans dout´… au Printemps.