Ça n’fait rien mais Quand un bateau se couche Même si l’on n’est pas dedans Sa mort un peu vous éclabousse Et vous sentez dans votre bouche
Comme un arrière-goût d’océan.
Ça n’fait rien mais Quand un avion tombe Même si l’on n’est pas dedans C’est un peu sur vous qu’il retombe Et même mort il fait une ombre Plus sombre que celle d’avant.
Déjà tout gosse quand je naviguais Sur les flaques d’eau de mon quartier Avec mes navires en papier Lorsque parfois l’un d’eux coulait Je le regardais s’abîmer À la fois triste et fasciné.
Je ne le savais pas encore Déjà je soupçonnais la mort
Je ne le savais pas encore J’avais déjà peur de la mort.
Bien sûr c’était l’âge sensible J’avais le cœur comme une cible Bien sûr que depuis j’ai changé Il m’en faut plus pour me faire rire Plus encore pour que je soupire Enfin je ne sais plus pleurer.
Mais ça ne fait rien Quand un bateau se couche Quand un avion perd le vent Leur mort un peu nous éclabousse Et nous sentons dans notre bouche Les larmes salées d’un enfant.