J´ai casé toutes mes femmes, elles sont mariées ou presque: Un enfant, un boulot, une nouvelle adresse. Quand j´les entendais dire qu´j´étais tout ce qu´elles avaient,
J´ai redouté le pire quand elles m´ont quitté. Pas l´temps d´fermer la porte, de pousser un soupir, D´réinvestir mon lit, d´réapprendre à dormir, Qu´y avait déjà des mecs pour les prendre dans leurs bras Et pour leur faire un gosse, elles qui n´en voulaient pas, Rapport au nucléaire. Celle qui voulait m´traîner toutes les nuits dans les boîtes, Bien avant "Joe le taxi" et la "Fille à la ouate", Qui avait fait Woodstock comme d´autres ont fait Verdun, Qui se shootait au rock et s´éclairait aux joints, Qui se prenait pour une fleur en rêvant d´Katmandou,
De Sri Aurobindo, son guide, son gourou, J´l´ai croisée dans le XVIe déguisée par Van Cleef. On s´était rencontrés, un jour, dans une manif Contre le nucléaire. Un jour on s´aime Ma vie, ma reine, Et puis on s´perd, Et c´est la guerre, Comme pour le nucléaire. Je vais la paix dans l´âme, les mains croisées dans le dos, J´ai marié toutes mes femmes, j´ai bien fait mon boulot. J´ai plus mauvaise conscience, plus de culpabilité: Elles sont heureuses, je pense, j´ai plus à m´inquiéter.
Mais le lit d´à côté, c´est le même qu´en face, Et ce qui nous fait peur, c´est tout ce temps qui passe. On n´a plus la fraîcheur, c´est plus la même chanson, On a tout intérêt à faire des concessions. Comme pour le nucléaire. J´vais fumer un pétard en écoutant un disque, J´dois avoir, quelque part, un vieux titre d´Elvis, J´vais relire Desjardins et puis m´payer une boîte, Et, dès demain matin, j´brandirai ma pancarte: "Sauvez le nucléaire" Un jour on s´aime, ma vie, ma reine, Et puis on s´perd, et c´est la guerre, Comme pour le nucléaire.