D´aussi loin que je me souvienne, Ils étaient faits pour le bonheur, Pour une vie trop quotidienne Et pour le pire et le meilleur
Je parle d´eux sans les nommer Car vous portez un peu leurs noms. Je sais qu´ils étaient pauvres et bons, Qu´ils étaient tous parents ensemble, Et qu´ils savaient tenir le coup Du mois d´janvier au mois d´décembre, Et qu´ils aimaient prendre un p´tit coup, Et qu´ils aimaient aussi la danse
Je les revois grandeur nature, Enlacés pour danser la gigue Et les croix de leurs signatures Me font signe de leur fatigue
Je parle d´eux pour me convaincre Qu´ils n´ont eu ni tort, ni raison: Survivre, c´était déjà vaincre Et il fallait bâtir maison.
Mais le jour des morts est passé. Fini, le temps des survivants. Je ne veux pas d´un beau passé Pour me consoler du présent
Les yeux faits pour la vigilance, Courbés entre l´arbre et le vent, Ils se taisaient, mais leur silence Nous a servi de paravent
Je parle d´eux par habitude. Ce que j´en dis, c´est pour conter L´histoire de leur servitude Et pour enfin me révolter Contre la peur et la quiétude Et c´est pour enfin récolter Ailleurs que dans la solitude, Ce pour quoi ils ont patienté
D´aussi loin que le temps nous vienne, Il nous vient un peu des aïeux. Leurs noms se mêlent à nos poèmes; Fini, le silence des vieux
Venez voir un peu, les ancêtres: On a continué l´univers, Le jour se lève à nos fenêtres Et les sapins sont toujours verts. Dans notre vive appartenance À cette terre et à ce temps, Nous n´aurons pas votre patience Et nous serons payés comptant.