J’évoque aussi parfois la grande chambre ancienne Où nous allions prier pendant les soirs de mai ; Comme pour la chaleur on ouvrait la persienne L’âme des fleurs passait dans le vent embaumé.
Une madone blonde ornait la cheminée Montrant des doigts son coeur traversé d’un couteau ; Des chandeliers d’argent l’avaient illuminée Et donnaient de la vie aux fleurs de son manteau.
Et la chambre perdait tout son aspect sévère Tant les roses prenaient des teintes de pastel, Tant les lys dormaient bien dans leurs globes de verre Et tant ce reposoir avait des airs d’autel,
Nous arrivions ensemble, en marchant sur les pointes De nos pieds, dans la chambre où la Vierge régnait ; Et nous pleurions de voir que, malgré nos mains jointes,
Sous son manteau d’azur son coeur rouge saignait.
Et nous prenions plaisir à compter les bougies ! Et nos lèvres goûtaient le charme qu’il y a A psalmodier haut, comme des élégies, Les rythmiques versets des Ave Maria.
On eût dit que le ciel descendait dans la chambre Avec son clair de lune et tous ses astres d’or ! Et les lits qui flottaient dans ces lumières d’ambre Semblaient de grands bateaux sur un fleuve qui dort.
Et quand nous nous couchions, commençait le voyage,
Le voyage idéal vers le paradis bleu ! Des anges descendaient nous servir d’équipage Et nous nous endormions dans des gestes d’adieu.