đŸ’ƒđŸŽ€ Paroles de chanson Française et Internationnales đŸŽ€đŸ’ƒ

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Artiste : Georges Rodenbach
Titre : La Soif
À Émile Verhaeren.

Les marins naufragés, debout sur leur radeau
Que berce et qu’enveloppe un lugubre bruit d’eau,

Cherchent à l’horizon l’aile blanche des voiles.
Quand le calme renaßt, quand brillent les étoiles
Comme des lampes d’or sur leur tombeau mouvant,
Ils espĂšrent revoir le port au jour levant.
Vain rĂȘve : le temps calme est pis que les tempĂȘtes ;
Un soleil tropical tombe Ă  pic sur leurs tĂȘtes,
Et leur épave humaine est inerte au milieu
De ce double infini qui semble tout en feu !
La soif les brĂ»le ; ils n’ont pas d’eau ; l’horrible fiĂšvre
Met le sang Ă  leurs yeux et la bave Ă  leur lĂšvre ;
Les uns, moins endurcis et plus prompts à fléchir,
Boivent de l’eau de mer, croyant se rafraüchir,

Et promettent de faire au retour des neuvaines.
Mais cette eau, comme un plomb fondu, brûle leurs veines
Et, morts avant le soir, on les jette Ă  la mer
Qui pour l’éternitĂ© garde leur rĂąle amer !
Les autres sont plus forts : sachant que l’eau marine,
RafraĂźchissant la bouche, enflamme la poitrine,
Ils guettent, sans rien boire, et la main sur les yeux,
Dans les lointains brûlants le passage joyeux
D’un brick ensoleillĂ© que le vent favorise,
S’imaginant le gai retour et la surprise
Des mÚres qui viendront, les sachant débarqués,
Les conduire, en pleurant de bonheur, par les quais
Vers les blanches maisons oĂč les nappes sont mises,

Pour boire de la biĂšre auprĂšs de leurs promises !

De mĂȘme il faut raidir son coeur et le sevrer
Des lĂ©gĂšres amours qui ne font qu’altĂ©rer,
Pour qu’un amour honnĂȘte et pur sur le rivage
Calme sa soif d’aimer indomptable et sauvage.