Quel orgueil d’être seul à sa fenêtre, tard, Près de la lampe amie, à travailler sans trêve, Et sur la page blanche où l’on fixe son rêve De planter un beau vers tout vibrant, comme un dard
Quel orgueil d’être seul pendant les soirs magiques Quand tout s’est assoupi dans la cité qui dort, Et que la Lune seule, avec son masque d’or, Promène ses pieds blancs sur les toits léthargiques.
L’orgueil de luire encor lorsque tout est éteint : Lampe du sanctuaire au fond des nefs sacrées, Survivance du phare au-dessus des marées Dont on ne perçoit plus qu’un murmure indistinct.
L’orgueil qu’ont les amants, les moines, les poètes,
D’être en communion avec l’obscurité, Et d’avoir à leur coeur des vitraux de clarté Qui ne s’éteignent pas pendant les nuits muettes.
Quel orgueil d’être seul, les mains contre son front, À noter des vers doux comme un accord de lyre Et, songeant à la mort prochaine, de se dire : Peut-être que j’écris des choses qui vivront !