Dans les magasins du Galet, la nuit On parle de gens qui travaillent On entend remuer des bailles
On entend rouler des barils Dans celui du vieux Paul aussi Les couteaux garderaient leur coupe Au fond de la vieille chaloupe À croire qu´on s´en est servi Ouvrez les oreilles Levez les sourcils Ceux qui sont de veille Sont des gens d´ici
Encore un fait qu´on n´a pas démenti
Un soir, l´an dernier, des gamins ont dit Avoir vu, dans une fenêtre Lueur de fanal apparaître C´est là que la peur les a pris Autrefois le bonhomme Hector Finissait toujours à la lampe
Et se déblâmait sur des crampes Pour prendre un coup un peu plus fort
Ouvrez les oreilles Levez les sourcils Ceux qui sont de veille Sont des gens d´ici
De son vivant il faisait son whisky
On a retrouvé, réparé, repeint Le canot du défunt Zidore Tout le monde a dit: C´est encore Un tour de peur par des gamins Les gamins l´ont su et depuis Dans leur tête un marteau résonne Et vous ne verrez plus personne Aller seul au Galet la nuit
Ouvrez les oreilles Levez les sourcils Ceux qui sont de veille Sont des gens d´ici
Je n´irais pas, moi qui vous parle ici
Un matin d´hiver, trois chasseurs ont vu Sur la barre bleue du grand large Une espèce de grande barge L´air d´appareiller pour le sud En marchant pour voir de plus près Ont vu autour d´eux dans la neige Des traces de pas en cortège Que la poudrerie recouvrait
Ouvrez les oreilles Levez les sourcils
Ceux qui sont de veille Sont des gens d´ici
Nous n´avons plus chassé par là depuis
Depuis l´année où Léon s´est perdu Aux filets, un soir de septembre Rosanne est restée dans sa chambre Elle n´en sortait jamais plus Un soir d´automne, l´an dernier Un soir de gros vent sur les cayes Dans sa robe de fiançailles Elle a descendu l´escalier Puis on l´a vue partir pour les Galets Et comme il craignait pour sa vie Son père de loin l´a suivie Dans la direction des filets Il a mal à le croire encor
La mer et le vent l´ont tirée Le lendemain, à la marée On a retrouvé les deux corps
Ils restent de veille Sont toujours d´ici La mer est pareille Le vent est parti
Ouvrez les oreilles Levez les sourcils Ceux qui sont de veille Sont des gens d´ici
On les croyait pour toujours désunis On les croira pour longtemps endormis