💃🎤 Paroles de chanson Française et Internationnales 🎤💃

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Artiste : Guillaume Apollinaire
Titre : Le voyageur
A Fernand Fleuret

Ouvrez-moi cette porte où je frappe en pleurant

La vie est variable aussi bien que l´Euripe

Tu regardais un banc de nuages descendre
Avec le paquebot orphelin vers les fièvres futures
Et de tous ces regrets de tous ces repentirs
Te souviens-tu

Vagues poissons arqués fleurs submarines
Une nuit c´était la mer
Et les fleuves s´y répandaient

Je m´en souviens je m´en souviens encore

Un soir je descendis dans une auberge triste
Auprès de Luxembourg
Dans le fond de la salle il s´envolait un Christ
Quelqu´un avait un furet
Un autre un hérisson

L´on jouait aux cartes
Et toi tu m´avais oublié

Te souviens-tu du long orphelinat des gares
Nous traversâmes des villes qui tout le jour tournaient
Et vomissaient la nuit le soleil des journées
O matelots ô femmes sombres et vous mes compagnons
Souvenez-vous-en

Deux matelots qui ne s´étaient jamais quittés
Deux matelots qui ne s´étaient jamais parlé
Le plus jeune en mourant tomba sur le côté

O vous chers compagnons
Sonneries électriques des gares chant des moissonneuses

Traîneau d´un boucher régiment des rues sans nombre
Cavalerie des ponts nuits livides de l´alcool
Les villes que j´ai vues vivaient comme des folles

Te souviens-tu des banlieues et du troupeau plaintif des paysages

Les cyprès projetaient sous la lune leurs ombres
J´écoutais cette nuit au déclin de l´été
Un oiseau langoureux et toujours irrité
Et le bruit éternel d´un fleuve large et sombre

Mais tandis que mourants roulaient vers l´estuaire
Tous les regards tous les regards de tous les yeux

Les bords étaient déserts herbus silencieux
Et la montagne à l´autre rive était très claire

Alors sans bruit sans qu´on pût voir rien de vivant
Contre le mont passèrent des ombres vivaces
De profil ou soudain tournant leurs vagues faces
Et tenant l´ombre de leurs lances en avant

Les ombres contre le mont perpendiculaire
Grandissaient ou parfois s´abaissaient brusquement
Et ces ombres barbues pleuraient humainement
En glissant pas à pas sur la montagne claire

Qui donc reconnais-tu sur ces vieilles photographies

Te souviens-tu du jour où une vieille abeille tomba dans le feu
C´était tu t´en souviens à la fin de l´été
Deux matelots qui ne s´étaient jamais quittés
L´aîné portait au cou une chaîne de fer
Le plus jeune mettait ses cheveux blonds en tresse

Ouvrez-moi cette porte où je frappe en pleurant

La vie est variable aussi bien que l´Euripe