💃🎤 Paroles de chanson Française et Internationnales 🎤💃

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Artiste : Guillaume Apollinaire
Titre : Merlin et la vieille femme
Le soleil ce jour-là s´étalait comme un ventre
Maternel qui saignait lentement sur le ciel
La lumière est ma mère ô lumière sanglante
Les nuages coulaient comme un flux menstruel

Au carrefour où nulle fleur sinon la rose
Des vents mais sans épine n´a fleuri l´hiver
Merlin guettait la vie et l´éternelle cause
Qui fait mourir et puis renaître l´univers

Une vieille sur une mule à chape verte
S´en vint suivant la berge du fleuve en aval
Et l´antique Merlin dans la plaine déserte
Se frappait la poitrine en s´écriant Rival

O mon être glacé dont le destin m´accable
Dont ce soleil de chair grelotte veux-tu voir
Ma Mémoire venir et m´aimer ma semblable
Et quel fils malheureux et beau je veux avoir

Son geste fit crouler l´orgueil des cataclysmes
Le soleil en dansant remuait son nombril
Et soudain le printemps d´amour et d´héroïsme

Amena par la main un jeune jour d´avril

Les voies qui viennent de l´ouest étaient couvertes
D´ossements d´herbes drues de destins et de fleurs
Des monuments tremblants près des charognes vertes
Quand les vents apportaient des poils et des malheurs

Laissant sa mule à petits pas s´en vint l´amante
A petits coups le vent défripait ses atours
Puis les pâles amants joignant leurs mains démentes
L´entrelacs de leurs doigts fut leur seul laps d´amour

Elle balla mimant un rythme d´existence
Criant Depuis cent ans j´espérais ton appel
Les astres de ta vie influaient sur ma danse
Morgane regardait de haut du mont Gibel

Ah! qu´il fait doux danser quand pour vous se déclare
Un mirage où tout chante et que les vents d´horreur
Feignent d´être le rire de la lune hilare
Et d´effrayer les fantômes avants-coureurs

J´ai fait des gestes blancs parmi les solitudes
Des lémures couraient peupler les cauchemars
Mes tournoiements exprimaient les béatitudes
Qui toutes ne sont rien qu´un pur effet de l´Art

Je n´ai jamais cueilli que la fleur d´aubépine

Aux printemps finissants qui voulaient défleurir
Quand les oiseaux de proie proclamaient leurs rapines
D´agneaux mort-nés et d´enfants-dieux qui vont mourir

Et j´ai vieilli vois-tu pendant ta vie je danse
Mais j´eusse été tôt lasse et l´aubépine en fleurs
Cet avril aurait eu la pauvre confidence
D´un corps de vieille morte en mimant la douleur

Et leurs mains s´élevaient comme un vol de colombes
Clarté sur qui la nuit fondit comme un vautour
Puis Merlin s´en alla vers l´est disant Qu´il monte
Le fils de ma Mémoire égale de l´Amour

Qu´il monte de la fange ou soit une ombre d´homme
Il sera bien mon fils mon ouvrage immortel
Le front nimbé de feu sur le chemin de Rome
Il marchera tout seul en regardant le ciel

La dame qui m´attend se nomme Viviane
Et vienne le printemps des nouvelles douleurs
Couché parmi la marjolaine et les pas-d´âne
Je m´éterniserai sous l´aubépine en fleurs