Quelques aiguillages plus tard J´vois mes sourcils froncés à chaque kilomètre J´ai ramassé que des mauvaises pensées Tous les wagons sont pleins, rien n´est plus pareil
Première gare desservie, j´ralentis (quatre minutes d´arrêt) Un brouillard épais qui remplit la gare J´descends griller une sèche, en théorie, j´dois pas La migraine prend mon crâne, j´ai fini la boîte d´Actifed Le quai est vide, enfin, j´crois, j´vois pas à dix mètres Si j´pouvais changer c´train de vie avec des si Et puis, j´vois une tache grise, une silhouette qui m´fait des signes Étrange, ça s´rapproche, un air familier, une connaissance très proche, mais sans l´amitié Il découvre son visage, j´reconnais ce sourire narquois C´est Ivan, un mec bizarre, un fou qui m´lâche pas
J´l´ai rencontré en formation, c´était y a six ans Assis dans l´fond d´la classe, c´était un accident Petit à p´tit, on a fait connaissance, il est bavard, c´est l´hasard Mais dès l´départ, j´sens qu´il est pas stable Il pense mal sur tout l´monde, il veut pas qu´on parle aux collègues Mental obsolète, il veut tout l´temps qu´on parte au soleil Avare, c´est sûr, son truc, c´est pas le Téléthon C´est dar, j´sais pas comment faire pour couper les ponts J´lui fais un signe timide, à peine j´lève la main Intérieurement, j´prie pour qu´il prenne pas c´train
On échange quelques mots : "Ça va ou quoi ?" L´ambiance s´y prête, j´remonte dans ma cabine J´me retourne, j´vois qu´il m´suit d´près J´le laisse monter sans calculer ses phrases à rallonge J´remets mon train en marche, rien qu´il parle, le trajet s´ra long
Putain, quel temps d´merde Eh, moi, j´veux rien savoir quand on parle de moi T´es un fou toi, t´es un gros malade Regarde ce temps d´merde Putain, il fait moche, bordel
Quand est-ce qu´on quitte ce temps pluvieux, est-ce que t´as réfléchi ?
Ton entêtement aurait-il fléchi étant plus vieux ? Ça commence à être long, comme le trajet de l´Orient-Express Tu t´orientes exprès vers ta propre amertume face au manque d´espèce Ton masque cache une autre peur, tu crois que j´te parle de cash, plutôt du bonheur
Eh, c´est pas d´ma faute si j´ai pas eu l´bon œil T´oublies les opportunités Moi, j´ai pas besoin d´une paye de footballeur OK, mais t´es ruiné C´est un peu sec, ces derniers temps, mais à t´entendre, tu veux quoi, en fait ? Marre de t´voir le moral en berne, je pars en guerre contre les idées noires que t´as en tête
Tu parles trop Du calme, gros, qu´est-ce t´es bon à diriger à part un train, à part l´métro ?
Les bons moments, tu n´les vis qu´à travers la fenêtre arrière Tu faisais du son, t´as bégayé quand fallait faire carrière Toute relation devient tendue, combien de liens fendus ? T´as respecté les règles, la société t´a rien rendu Tu vires dément à conduire des gens qui eux vivent vraiment Vois tes maux de tête devenir fréquents Il s´rait temps de s´exfiltrer de cette vie d´errance
S´esquiver discrètement, avant de respirer à une vitesse lente Tu forces sur la tise pour tenir, dealer avec tes traumatismes Tu peux toujours me fuir, mais viens, on fait nos valises J´me devais de tout te dire : ta routine te démoralise T´es heureux que dans tes souvenirs
J´perds mon sang-froid (ferme ta gueule), bas les masques J´l´attrape par le col, j´en ai marre de l´entendre parler mal J´lui mets une droite, j´vois sa tête qui ricoche Et puis, il m´regarde la bouche en sang, rien qu´il rigole
Il m´montre le feu rouge que j´viens d´brûler Erreur d´aiguillage, sur le train d´devant, on va buter Les roues font des étincelles, plus rien à faire, j´abandonne J´ferme les yeux, lancé à pleine vitesse, j´attends l´choc