Titre : Entrez ! entrez, jeune fille à l’œil bleu !
FRICK. Entrez ! entrez, jeune fille à l’œil bleu ! Chez l’homme adoré des cocottes, Monsieur Raoul de Gardefeu, Vous apportez des gants, moi j’apporte des bottes !
GABRIELLE. Oui, j’apporte des gants.
FRICK. Moi, j’apporte des bottes, L’aimable gantière !
GABRIELLE. Ah ! le beau bottier !
FRICK. La noble carrière !
GABRIELLE. Le joli métier ! Je suis des premières.
FRICK. Je suis des premiers.
GABRIELLE. Parmi les gantières !
FRICK. Parmi les bottiers !
ENSEMBLE. Voilà la gantière ! Voilà le bottier ! On peut-être fière, On peut-être altier, Quand on est gantière, Quand on est bottier ! REPRISE. L’aimable gantière, etc., etc.
FRICK. C’est la botte Qui dénote L’homme vraiment élégant, C’est la botte !
GABRIELLE. Nul jeune homme N’est en somme, Dans le monde bien noté S’il n’est finement ganté.
FRICK. S’il n’est finement botté. C’est la botte Qui dénote, etc., etc…
GABRIELLE. C’est le gant !
FRICK, s’animant. C’est la botte !
GABRIELLE, de même. C’est le gant ! RONDEAU. Autrefois plus d’un amant Tendre et galant, De sa maîtresse osait voler le gant ; Au plus vite il l’emportait, Il le cachait, Et de baisers ardents le dévorait. Il couvait ce cher trésor Mieux que son or ; Il l’embrassait et l’embrassait encor.
Et puis, quand on se quittait, On conservait Ce gant mignon, souvenir qui restait. Et plus tard, on le trouvait, Quand les amours étaient finies, Dans le fond d’un vieux coffret, A côté des lettres jaunies. On gardait nos gants jadis, En souvenir de nos menottes ; Maintenant nos bons amis Pourront aussi garder nos bottes, Et plus tard nos amoureux Devenus vieux En rempliront une armoire chez eux ; Tout rêveurs, ils l’ouvriront, Contempleront, Et les voyant, ces bottes, ils diront : Celle-ci, c’était madame
Paméla de Sandoval, A qui je donnai mon âme, Par un soir de carnaval. Celle-là, c’était Denise La friponne aux blonds cheveux. Prenant deux bottes de femmes dans les mains de Frick.
La comtesse et la marquise, Les voici toutes les deux. O transport d’un cœur glacé ! Rêve effacé ! Ces bottes-là c’est tout notre passé ! Et voilà, messieurs, comment Le sentiment Peut réunir et la botte et le gant !