LA BARONNE Je suis encor tout éblouie, Toute ravie ! Quel tableau pour mes yeux surpris ! Je reviens charmée, enivrée,
Enthousiasmée ! Enfin, ce soir, j’ai vu Paris ! Des toilettes étourdissantes. Des fronts chargés de diamants… Et lorgnant ces femmes charmantes, Force petits messieurs charmants ! J’arrive, j’entre dans la salle, Et je m’installe Sous mille regards curieux. Tout d’abord, deux femmes divines, Mes deux voisines, Par leur éclat frappent mes yeux. Toutes deux elles étaient belles, Mais à faire perdre l’esprit ! Je demande : Qui donc sont-elles ? Et voilà ce que l’on me dit : L’une est une femme à la mode, Assez commode,
L’orchestre est plein de ses amants ! L’autre, ah ! l’autre est une comtesse, Et sa noblesse Date de cinq ou six cents ans. Examinez bien leur toilette, Et quand vous aurez vu, parlez, Dites quelle est la cocodette, Et quelle est la cocotte ?… allez ! Je regardai : Mêmes frisures, Mêmes allures, Mêmes regards impertinents, Même hardiesse à tout dire, Même sourire Allant aux mêmes jeunes gens. Pour choisir, ne sachant que faire, Je dis : la grande dame est là. C’était justement le contraire ; Mais comment deviner cela ?
Et, pendant ce temps, de Rosine La voix mutine Chantait les airs de Rossini, Et toute la salle grisée, Électrisée, Battait des mains à la Patti. J’eus aussi mon succès, je pense, Car en partant, dans le couloir, Je vis une énorme affluence De gens se pressant pour me voir. Je suis encor tout éblouie, Toute ravie ! Quel tableau pour mes yeux surpris ! Je reviens, charmée, enivrée, Enthousiasmée ! Enfin, ce soir, j’ai vu Paris !