Bien, je l´ay dit, je le confesse, Que nul ne te pourroit aimer Autant que je t´aime, Maistresse, Sçachant mieux qu´autre t´estimer : Car d´autant que je cognoy plus
Et tes beautez et tes vertus, D´autant ma Francine je doy Mettre plus grande amour en toy.
Un autre moins digne, peut estre, Du premier coup s´éblouira, Et ne te pouvant pas conoistre Un fol amour en souffrira, Pour un rayon de ta beauté Perdant de raison la clarté, Et par trop vaine passion T´offrira son affection.
Mais dy : quel service agreable D´un tel fol pourras tu tirer, Qui te criant non pitoyable Ne fera rien que souspirer, Que t´ennuier de ses ennuis
Qu´il prendra les jours et les nuits, Pour ton amour, comme il crira, Mais par sottise il languira.
Non ainsi, non ainsi, Francine, Je ne t´aime ainsi folement, D´un ray de ta valeur divine Souffrant un fol aveuglement. Ce qui me fait ainsi t´aimer C´est que je sçay bien t´estimer, C´est que sage je cognoy bien Tes graces qui me rendent tien :
Qui mourroyent, las, si de mes graces Elles n´avoyent les belles fleurs, Que mignardement tu embrasses Pour orner tes dines valeurs De leur chapelet fleurissant
Par l´age ne se fanissant, Que je leur donray bien apris, Puis que tu ne l´as en mépris.
Et ce qui me donne courage, C´est que tu cheris mes chansons, Les aimant d´un jugement sage, Bien que j´agence leurs façons, N´étant d´amour au coeur ateint, En l´honneur d´un nom que j´ay feint. Combien donc les cheriras tu Quand je chanteray ta vertu ?
Tu les entans, tu les caresses, Et puis que tu les aimes tant De leurs mignardes gentillesses Ton desir je feray contant. Francine, si tu prens à gré
Mon chant tout à toy consacré, Si je te voy te plaire aux sons De mes amoureuses chansons,
Je feray que nulle ancienne Ne s´élevera dessur toy : Je feray que la gloire tienne, Pour t´avoir obligé ma foy, Bien peu d´envie portera A la plus brave qu´on lira De nostre temps avoir eu l´heur De gagner d´un Poëte le coeur.