Je suis né en avril de l’an soixante-dix Sur une scène de Nantes, maudit que c’était bien D’une phrase lancée du fond d’une coulisse Autour de dix-sept heures, la guitare à la main
Il est venu de loin, chanter les grands espaces Les misères de l’homme et son frère le loup Il a dit la colère, il a donné l’audace Qui allait m’emporter dans l’aventure itou
Et sur notre sentier de neige et de froidure Entre lacs et forêts, montagnes et déserts Il a guidé mes pas à travers les mouillures Pour qu’à mon tour je puisse atteindre enfin la mer
Des années de départs et puis de retrouvailles De leçons engrangées malgré les poudreries C’est peut-être bien peu mais c’est mon héritage Mes seules vraies richesses, ma seule académie
Il faut vivre de rêves en étant bohémien Jamais oui, jamais non, plus souvent non que oui Jusqu’au soir de sa vie, rester un collégien Et ne rien accepter de facile, de gratuit
L’humour pour le voyage, l’arme la plus utile Défricher dans sa tête, toujours chercher sa voie Tous ces mauvais conseils seraient mon codicille S’il me fallait renaître une dernière fois
Depuis cette naissance d’avril soixante-dix Je me suis levé tôt pour inviter l’enfance Un peu comme un tzigane sur les pas de Francis La vie, l’amour, la mort sont au bout des errances
J’ai fait le tour de l’île en rêvant de Bozo
J’ai pris le train du nord, remonté la rivière Pour voir si MacPherson était sur son radeau Ou s’il avait trouvé un abri pour l’hiver
Même s’il y a des amours, y a toujours un ailleurs J’ai vu la Gaspésie retrouver petit Pierre J’ai sali mes souliers pour des petits bonheurs Et pour la mort de l’ours, mis un genou à terre
À vivre mes saisons sur les traces d’un prince Restent les souvenirs, maudit que c’était bien Et ce grand sourire bleu, beau comme une province Qui me sont un fanal pour finir le chemin