S´extraire au petit jour de la torpeur du lit, Ouvrir grands les volets sur le vol des courlis, Faire du café très fort, le boire à la fenêtre, Respirer, expirer et se sentir renaître
Se dire qu´il faudrait bien rentrer chaises et table Mais attendre pour ça des temps moins délectables Là, descendre au jardin crissant sous la gelée, Redresser les dahlias alanguis de l´allée
Ne pas lire le courrier, ne pas lire les journaux, Les jeter tout en tas au loin sur le piano Puis verser dans le bain l´huile d´amande douce, Faire glisser le peignoir et sombrer dans la mousse
Déjeuner sur la nappe de fil d´Ecosse écru, Dans de l´ancien Moustiers, d´un peu de jambon cru,
Passe-Crassane, Louise-Bonne, Duchesse d´Angoulême, Faire du choix d´une poire, un délicieux dilemme
Cueillir au bord du champ tout ce qui est violet Scabieuses, asters, chardons, clématites à la haie Et mêlant à ces fleurs des herbes de toutes sortes, Composer un bouquet pareil aux natures mortes
Puis prendre au vol un livre, tomber sur Le Clézio, Mais l´abandonner vite pour un roman idiot Vers la tombée du jour, interroger les cartes, Éplucher quatre pommes pour en faire une tarte Écouter dans le soir le long aboi d´un chien,
Regarder sur les prés la brume qui s´en vient
Un instant deviner des présences invisibles, Frissonner et fermer cette maison paisible Raviver d´une bûche le feu de cheminée, Le nourrir à minuit des lettres de Renée Étendre enfin ce corps qui plus nul n´intéresse, Lui accorder sans honte quelque intime caresse
Et surtout oublier l´armoire à pharmacie Où dort de quoi mettre un terme à ce grand bonheur Dragées d´Anafranil à prendre quand viendra l´heure