J´avais un ami, Dieu l´avait voulu C´était la douceur unie à la grâce Chez un pharmacien de première classe Il dulcifiait le calme tolu
Là, dans l´ombre, il sucrait les potions amères D´un doigt occulte et seul, loin des regards sévères Son patron qui savait aussi l´apprécier L´avait surnommé Le Grand Sucrier
Il avait des yeux, il en avait deux, Mais ce n´était pas ceux de tout le monde Ils étaient à lui comme sont à l´onde Les vagues d´azur et les poissons bleus
Il avait un chapeau d´une forme très haute Qu´il mettait avec la superbe redingote Qu´on la lui avait fait cadeau avec l´étui Il avait encore autre chose à lui
Un soir il me dit "Le sucre a baissé
Le patron renonce à mes bons services" "Il attend, dit-il, des temps plus propices Quand la crise du sucre aura passé"
Ensuite il prononça ces mots énigmatiques "Le métier est foutu pour les diabétiques" Il m´embrassa puis il partit pour Châteauroux, J´avais un ami si tendre et si doux