Ô Marseille, on dirait que ta voix a changé On dirait que la carte où partait l´Indochine En se prenant pour toi dans le riz délavé Te pleure avec du sang et puis l´âme marine
Ô Marseille, on dirait que la mer a pleuré Tes mots qui dans la rue se prenaient par la taille Et qui n´ont plus la même ardeur à se percher Aux lèvres de tes gens que la tristesse empaille
Ô Marseille, on dirait que Notre Dame en fleurs S´est penchée dans le port pour boire à ton eau verte Qu´elle voyait briller comme brillent les pleurs Aux yeux de tes marins que l´absinthe déserte
Ô Marseille, on dirait que le vent t´a vaincue Dans la miséricorde où la vallée le traîne Et que de ce mistral qui glace ta vertu Il ne reste qu´un peu d´accent qui se promène
Ô Marseille, la vie portée sur ton dos
Tout ce Nord qui proteste en moquant la musique Qui monte de ta gorge accrochée à tes mots Les mêmes que là-haut dans les steppes plastiques
Ô Marseille, on dirait que flottent des drapeaux Qu´une toile impudique a fauché dans des voiles Et ces bateaux perdus qui croisent sous ta peau Se souviennent de toi dans la gorge des squales
Ô Marseille, on dirait que les saisons se noient Dans ton ciel portuaire où la lune s´affaire À compter les bateaux qui lui parlent de toi Jusqu´aux galions perdus qui se croient nucléaires
Ô Marseille, on dirait que le peuple et le roi Ne savaient plus quoi dire et ne savaient que faire
Quand bouillait la colère et quatre-vingt neuf fois Ils ont mis sur ton nom une chanson-misère
Ô Marseille, on dirait que Shakespeare a l´accent Qu´il a quitté son Angleterre et ses manières Qu´il t´apporte une rose et Juliette dedans Avec des Roméo grimpant des Canebière
Ô Marseille, on dirait que le cœur te va bien Comme te l´écrivait Guillaume Apollinaire "Anges frais débarqués à Marseille hier matin" On débarque toujours les amours passagères
Mais qu´importe ton ciel qui se prend pour l´Orient Qu´importe ton parler avec ses mots épiques
Ces mots qui sortent faire un tour avec l´accent Ces mots qui ne sortent pas de Polytechnique
Oui, mais quels mots, Marseille ! Quand tu y mets ta musique !