Une rue grise Avec des numéros qui n´en finissent pas au-dessus des portes fermées. Le pare-brise Opaque des autos qui se suivent au pas vitres teintées noir de fumée.
Un seuil d´église D´où sort une mariée gréée de voiles blancs au bras d´un mari pour toujours. Mes trois valises Emplies de souvenirs et de mes soixante ans qui se font de plus en plus lourds.
"Qui je suis? D´où je viens? Où vais-je? J´ai vu, je me souviens, la Suisse et la Norvège..."
Les gens qui passent Sont de chair et de sang mais là, sur ce trottoir ne disent jamais où ils vont. Qu´ils se dépassent Qu´ils se croisent c´est sans se parler, sans se voir sans même échanger leurs prénoms. Pas une place
Pour s´arrêter un peu et s´asseoir sur un banc ainsi qu´un retraité d´État Quand le vent chasse Là-bas, aux soirs d´été, l´envol des cormorans sur les falaises d´Étretat.
"Qui je suis? D´où je viens? Où vais-je? J´ai eu un blazer bleu, un foulard de soie grège..."
Les turbulences Les klaxons des fourgons de Police-Secours les marteaux-piqueurs immigrés. Une ambulance Où peut-être se meurt une de mes amours qu´avec le temps j´ai oubliée. Cette existence Hé, tu l´as dit, grand Will, n´est que bruit et fureur et se moque d´un idiot
Et le silence N´est plus qu´une rumeur de voix d´animateurs" et de "jingles" sur les radios.
"Qui je suis? D´où je viens? Où vais-je? Où sont ta harpe d´or Harpo, et tes arpèges?..."
Un hôtel borgne Où l´on me dit: "Ici, les chiens sont interdits même sur des photos jaunies!" Le mec qui lorgne Mes trois valises qui, durant l´après-midi ont pris du poids et ont grandi. Quelqu´un qui cogne Au mur de ses voisins qui font encore l´amour avec le dialogue assorti. Demain, un cogne
Soucieux de vérifier ma carte de séjour viendra m´attendre à la sortie.
"Qui je suis? D´où je viens? Où vais-je? Monsieur, je n´en sais rien, je suis du grand cortège de la vie..."