Mon vieux boul´vard Sébastopol
On est toi et moi deux poteaux
Alors permets que j´ coup´ le " pol "
Et que j´ t´appelle... Mon Sébasto...

Ça m´ plaît qu´ tu commences
Au bord de la Seine
Avec ses chalands avec ses reflets
J´ai toujours aimé les bell´s mis´s en scène
Et dans mon enfance
Y´avait du Chât´let...
J´ai si bien gardé le goût du miracle
Que j´ revois là-bas tous ces beaux messieurs
Et Sarah Bernhardt monter dans son fiacre
Et la tour Saint-Jacques
Pencher dans le bleu

Mon vieux Boul´vard Sébastopol
Les souv´nirs c´est des vieux oiesaux
Fais qui s´en aill´nt fais qui s´envol´nt
Et que j´ rigol´... Mon Sébasto...

T´ as tell´ment la bosse

Du petit commerce
Que pour seriner l´ credo du crédit
Tu joues les ténors mêm´ sous les averses
Et que toi tu bosses
Même le lundi...
T´ aim´s bien voir passer d´vant tes étalages
Les p´tits amoureux bras dessus bras d´ssous
Leur ciel est tout bleu de s´ mettre en ménage
Toi tu fais l´ nuage
Et tu prends leurs sous

Mon vieux Boul´vard Sébastopol
Quant l´ soir, t´ as baissé tes rideaux
T´ enlèv´s ta cravate et ton col
Et tu d´viens bath... Mon Sébasto...

Faut voir comm´ rapplique
Au dessous d´ tes lampes

Le long régiment des filles venues
De la rue Saint-D´nis ou de la Quincampe
Et puis leur panique
Quand l´ flic est en vue...
C´ qu´on fait avec ell´s, y faut le fair´ vite
Et pas s´ attarder mêm´ si ça vous plaît
Moi ça m´est égal, je n´ai plus qu´un rite
C´est le cornet d´ frites
Et le Beaujolais...

Mon vieux Boul´vard Sébastopol
Si tout à l´heur´ brill´ le couteau
Du gars nerveux ou du mariole
Referme-le... Mon Sébasto...

Mais y´a ceux qui restent
A vider leur verre
Pendant qu´ tout´ la nuit le pick-up s´en fout

Nègres, matelots, veufs et légionnaires
Ils font de grands gestes
Et se disent tout...
Le vent du passé leur pousse des vagues
Leur fait boire un coup et c´est si amer
Qu´ils se tienn´nt entre eux, vacill´nt et zigzaguent
On dirait des algues
Au fond de la mer...

Mon vieux Boul´vard Sébastopol
C´est pas des péchés capitaux
Les septièm´s ciels mouillés d´alcool
C´est du véniel... Mon Sébasto...

Aux lueurs d´aurore
Il faudra leur faire
A tous ces paumés, un cadeau, un´ fleur

Quand ils se verront toujours sur la terre
Et que vivre encore
Leur lèv´ra le coeur...
Prend-les par la main et puis les emmène
Du côté des Hall´s et sans te faire voir
Quand on leur donn´ra leur noir ou leur crème
Ajoute toi-même
Un sucre d´espoir

Mon vieux boul´vard Sébastopol
Y´a tous tes piafs qui chant´nt là-haut
Et tes môm´s qui vont à l´écol´...
A la prochain´... Mon Sébasto... (bis)