Où vont-ils ces chevaux de la glace et des morts ? Peut-être en Australie où les moutons délainent ? Peut-être dans la rue voisine où plient les gaines
Des putes cousues d´or ?
Où vont-ils hennissant leur lugubre chanson ? À la radio ? Sous un pick-up pleurer misère ? Dans une galerie où s´abstrait la lumière En algèbre quoi donc ?
Où vont-ils ces marcheurs ceints de cuir et de foin ? A leurs naseaux, le syndicat a mis des grilles Pour filtrer les odeurs qui montent des bastilles Et chanteront demain
Où vont-ils ces yeux fous que le fleuve renvoie ? Où vont-ils ces chalands achalandés de rives ? Notre-Dame en passant leur file de l´ogive À croquer pour des mois
Où vont-ils ces chevaux de la glace et des morts ? Peut-être à Montparnasse où Baudelaire jazze Entre deux pissenlits les roses de la gaze Quand Paris brume et dort ?
Où vont-ils ces filous qui fric-fraquent le ciel Et font des ronds dans l´eau quand le flic les regarde ? Peut-être à quelque soie ? Peut-être à quelque harde ? Ou cailler à l´hôtel ?
Où vont-ils ces chagrins roulant en Cadillac ? Où vont-ils ces bijoux que les femmes bazardent ? Aux larmes des bougies ? Quand le peuple bavarde
En dentelle ou en frac ?
Où vont-ils, hennissant leur lugubre chanson, Ces chevaux de Marly qui dévorent la brume ? Peut-être à quelque rendez-vous sur le bitume À piaffer d´occasion ?
Où vont-ils ces chevaux de la glace et des morts ? Où vont-ils ces chevaux qui grognent sur la dune ? À marée haute et du pétrole dans leur plumes Et l´avoine dans un baril