Hein ! de quoi ? un homme à la mer ? Tant pis je n´suis pas d´service ! Comment ? un paquebot se perd ? Tous vont périr ? Dieu les bénisse ! Vous dit´s... que j´suis un lâche ? vraiment !
Eh ! bien, écoutez mon histoire ! Elle est triste, c´est à n´y pas croire. Et chaqu´ fois que j´y pens´, j´en pleur´ comme un enfant...
J´étais pêcheur bien misérable Et j´aimais car ell´ m´était tout Ma Jeanne, une femme adorable Dont la caress´ me rendait fou ! Un jour un copain m´dit : Jean-Pierre Tu sais qu´ta femme a un galant Ils se voient près d´la croix d´pierre Quand sur la mer tu vas d´l´avant. Moi qui m´croyais sûr de ma femme Je bondis sur l´dénonciateur En lui criant : Canaille ! Infâme ! Tu veux donc faire mon malheur. Ma femme est un ang´ du bon Dieu
Y a du ciel dans ses grands yeux bleus Et j´suis sûr que la pauvrette Avec nul ne fait la coquette... Elle est tout´ ma vie on l´sait bien Et j´étranglerais le vaurien Qui voudrait briser mon bonheur En me prenant son coeur.
Un soir que j´fuyais d´vant l´orage Au loin j´vois sombrer un canot. Vers lui j´vais en criant : Courage ! Et j´aperçois un homm´ dans l´eau. Je le cueillais sur une lame Quand un´ deuxièm´ têt´ apparaît Et je r´connais... alors... ma femme Dont le regard me suppliait ! Comprenant tout j´lui criai : Gueuse ! Je vais te rendre ton amant
Et pris d´une folie furieuse Je r´jetai l´homm´ dans l´Océan ! Je ne sais pas si le bon Dieu Peut m´reprocher ce crime odieux Mais j´pouvais pas fair´ la folie D´sauver ceux qui m´prenaient ma vie. Voilà pourquoi quand quand y a gros temps Je regard´ la mer en pleurant Car c´est en faisant le sauv´teur Que j´ai brisé mon coeur.