Dans l´atelier qui bourdonne comme une ruche La pauvre Lisette sanglote en travaillant Car son grand-père est mort de la coqueluche Elle reste seule pour nourrir cinq-z-enfants Dix petits pieds réclament des chaussures
La neige tombe, il doit sûrement faire froid Tout en cousant pour les riches créatures La petite main sent frissonner ses doigts Et dans son estomac que torture la faim Elle sent que grandit la peur du lendemain
C´est pour pouvoir acheter l´entrecôte Qui nourrira les chères têtes blondes Qu´elle travaille pour les gens de la haute Et qu´elle fait des robes pour le beau monde Et le soir, consciencieusement Si elle fait du supplément C´est pour pouvoir acheter l´entrecôte L´entrecôte
Mais un beau jour, comme elle était jolie Un beau jeune homme, un placier en tissus Lui acheta dans un coup de folie
Une belle robe avec des fleurs dessus Elle voulait pourtant rester honnête Mais il lui dit qu´il avait de l´argent C´est pour cela que la pauvre Lisette Se sacrifia en songeant aux enfants Tous les soirs, désormais, par les soins du placier Les petits estomacs furent rassasiés
C´est pour pouvoir acheter l´entrecôte Qui nourrira les chères têtes blondes Qu´elle commit son initiale faute Qui la rabaisse au rang d´une d´mimonde Et le soir, consciencieusement Si elle offrait du supplément C´est pour pouvoir acheter l´entrecôte L´entrecôte
Comme son amant était d´humeur changeante Il la plaqua pour aller au Brésil Alors, du vice elle descendit la pente Et de son corps elle fit un outil Mais dans son cœur, elle songeait à ses frères Qu´elle sauvait d´un geste machinal Pour éviter qu´ils soient dans la misère C´est effrayant ce qu´elle se donnait du mal ! N´imitez pas, fillettes, cet exemple maudit Vous seriez, pour le monde, un objet de mépris
C´est pour pouvoir acheter l´entrecôte Qui nourrira les chères têtes blondes Qu´elle reçoit sans cesse de nouveaux hôtes Et qu´elle devint la femme à tout le monde Et dans la nuit, pieusement Si elle fait du supplément C´est pour pouvoir acheter l´entrecôte