Le p’tit Paul dans sa famille Vécut longtemps sans souci Sa mère était si gentille Son père aussi Dieu merci Heureux comme un coq en pâte
Il atteignit l’âge ingrat C’est là, hélas où ça s’gâte L’âge du baccalauréat Ce jour-là les messieurs noirs L’entouraient voulant savoir. On lui dit d’un air sévère Qu’avez-vous à déclarer ? Déballez-nous votre affaire Et veuillez-nous éclairer Étalez nous sans ambages Pour ne pas rater l’bachot Ce qu’il y a dans votre bagage Et servez-nous ça tout chaud Quels sont les noms des neuf muses ? Parlez nous de l’hypoténuse Du carré et c’qui s’en suit Montrez les progrès d’la guerre En allant de l’âge de pierre
À l’énergie nucléaire Bon ça va,. Voyons Pascal Que savez-vous de son vide ? D’où nous vient l’huile d’arachide ? Dessinez un trochoïde » Disons conque capnoïde Parlez-nous de César Chille De l’emploi du point virgule Quel est le rôle du pédoncule ? Déclarez-nous rapidement Pourquoi la brique réfractaire Du point de vue alimentaire C’est mieux que la pomme de terre Dans le système des allemands Quel fût, entre parenthèses Le rôle de la catachrèse Dans la crise portugaise Le recours au sablier
Vite c’est votre dernière chance Déballez vos connaissances Car demain, comme nous, je pense, Vous aurez tout oublié En avant, cartes sur table Sans vous lasser égaré Sur ces sujets remarquables * Qu’avez-vous à déclarer.
Bachelier la vie est belle Déclara-t-il, puis un jour S’étant épris d’une pucelle Il déclara son amour Agréé le jour des noces Époux tout à l’avenir Fit afin d’avoir un gosse Ce qu’il faut pour l’obtenir Hélas ! à peine réveillé
Il trouva dans son courrier Des formulaires sans tendresse Qu’avez-vous à déclarer ? Vos nom, prénoms, âge, adresse Décoré, pas décoré Enfants, parents, domestiques, Phonos, pianos, confessions Êtes-vous schizophrénique Ça fait moins de contributions Déclarez en confiance Tous vos moyens d’existence Détaillez vos assurances Honoraires, profits et gains La fortune de votre grand-père Vos affaires immobilières Avez-vous des vaches laitières ? Ou un oncle américain ? Déclarez vos hypothèques
Portefeuilles et compte de chèques Toute la fortune intrinsèque Chiens, perroquets, canassons Motos, vélos, trottinettes Les autos, même la poussette Les vêtements, fixe-chaussettes Cache-sexe et caleçon Déclarez vos cas physiques Vos bibelots artistiques Vos opinions politiques Déclarez sans omissions Pour l’état qui vous conseille La police qui vous surveille L’administration qui veille Votre profonde admiration. Tout en bas c’est très facile Ayant mis chiffres en pile Au total ajouter 1000, puis 22
Puis retirez la moitié des autres services Multipliez par 110 Le montant de votre bénéfice C’est ce total au carré Si vous l’mettez je le jure Vous serez alors honoré Dans six mois d’une p’tite facture Qu’avez-vous à déclarer ?
Les bureaux tentaculaires Accablèrent le petit Paul Comme nous de tant d’formulaires Qu’un jour il e eut « raz l’bol » Alors il fit ses bagages Plaqua tout exaspéré, Partit pour un long voyage Non sans avoir déclaré : « Adieu, Patrie tracassière ».
Mais hélas ! à la frontière Un douanier lui dit perfide Qu’avez-vous à déclarer ? Alors le p’tit Paul livide Le zieuta d’un air égaré Le fonctionnaire à moustache dit : « Ouvrez-moi ce barda » Paul s’écria : « Mort aux vaches » Et d’un coup le trucida. Cette histoire lamentable Qui fit un pétard du diable Et le juge dit au coupable Qu’avez-vous à déclarer ? Il se tût, mais aux assises L’président à barbe grise Lui pose cette question précise Qu’avez-vous à déclarer ? Une nuée de journalistes
Les aborde à coup d’l’assice C’est affreux ! tout le monde insiste Qu’avez-vous à déclarer ? Il est rouge comme une tomate Il sent que sa tête éclate Sous ce cri des bureaucrates Qu’avez-vous à déclarer ? Alors sautant à la barre Il leur lance : « Je déclare, je déclare Que j’en ai marre Et qu’à pied, à cheval, en voiture Sans convenance, j’vous emm… ». Taisez-vous, silence, C’est la justice qu’on offense La mort pour cet animal Il mourût, c’est un passage Et son âme après l’orage
Trouva les verts pâturages Et Saint Pierre qui lui dit : « Venez jeune homme affranchi, Finie la bureaucratie, Vous verrez c’est la belle vie Ici dans le paradis. Sans rond d’cuir, sans formulaire Une seule question, c’est juré, Mais elle est réglementaire Qu’avez-vous à déclarer ? »