il se revoit marcher, les pieds nus sur ces carreaux de grès qu´il a toujours connus cassés, mais il y avait tout à réparer dans cette ferme, de quoi s´occuper des années
elle s´est assise contre la portière quand elle lui sourit, Maurice lui sourit de peur de lui montrer qu´il est en marche arrière il fait semblant de voir devant lui
il se voit, bottes doublées de fourrure aux pieds, dans le jardin repeindre la clôture et même, pour l´enfant qui se faisait attendre poser le papier peint, d´avance dans la chambre
cet amour si près d´être mis au monde ça lui faisait danser, le faisait avancer si loin qu´il se retrouve avant que la nuit tombe sur le bord de la route, enlisé
qu´en pensent les remorques ? percées
d´illusions qui les portent bercées qu´en disent les remorques ? laissées qui gisent à nos portes blessées
comme il descend sur le marchepied il sent que tout fout le camp, qu´il s´est fait dépasser il voit l´autocar à l´horizon s´enfuir et demande au hasard de bien vouloir conduire
pendant qu´on lance à l´autre bout du monde une fusée dans le ciel pour capter nos appels Maurice, à contresens alors que la nuit tombe sur le bas-côté se range, et se rappelle
qu´en pensent les remorques ? percées d´illusions qui les portent bercées qu´en disent les remorques ? laissées qui gisent à nos portes blessées
blessées par trop de sentiments usés par le temps où l´avenir n´est plus que le présent mais en marche avant comme une toile où toujours il se prend se casse les dents et passent les jours, les nuits cloué par l´ennui
sur son lit de vide Maurice compte les rides dresse l´inventaire de ce qu´il pourrait bien faire dans un monde liquide remorque invalide et, dans sa tête qui cogne il croit voir passer les cigognes
qu´en pensent les remorques ? percées d´illusions qui les portent bercées qu´en disent les remorques ? laissées qui gisent à nos portes blessées