L´hiver approche, les journées s´atrophient doucement et nous accordent plus de nuit Les peaux des gens se cachent derrière des vêtements aussi épais qu´une armure de cuivre La trajectoire de nos chuchotements peut se voir à travers l´air qu´on respire
Le soleil et ses rayons paraissent tellement loin de nous qu´ils nous donnent le vertige Les terrasses des bistrots patientent et reçoivent la chaleur de deux cafés qui se sourient La tiédeur n´existe bientôt plus que dans la pensée et dans certains cœurs alourdis L´hiver arrive et j´ai brûlé un peu de ton désespoir dans la cheminée Celle qui réchauffe nos maisons, nos petits sentiments glaciaux et envenimés L´hiver arrive et je suis en train d´oublier les notes de ta voix A mesure que le neige tombe sur les rues de nos années, tout s´efface comme sur une ardoise Le pianiste du bar nous aide à s´emparer d´un monde que l´on aurait oublié sans lui Un soir enneigé, m´a-t-on dit, vaut l´équivalent de cent nuits
Le bruit du vent qui entre par la porte de l´entrée nous rappelle des murmures maternels La fumée qui sort de nos bouches n´est pas celle qui fait des trous dans la cervelle Les lampadaires qui contredisent la nuit, les lèvres qui se gercent La passagère d´un train que l´on aime sans explication, les livres qui se froissent M´indiquent à coup sûr que l´hiver est là L´hiver est là et sa froideur est une virgule qui sépare les corps mais qui ligue les âmes Du coup, des lignes s´échappent de mon stylo quand tes yeux s´éloignent L´hiver est là et j´ai attrapé un frisson quand j´ai croisé ton regard Tes yeux m´ont supplié de te faire exister sur ma feuille qui était blanche et mienne J´ai attrapé un frisson quand j´ai oublié qui j´étais pendant un instant
Car, pendant un instant, tu as pris toute la place Plus rien n´existait dans la pièce, plus rien ne comptait dans la vie L´hiver est là et toi aussi