💃🎤 Paroles de chanson Française et Internationnales 🎤💃

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Artiste : Louis Aragon
Titre : La nuit d´exil
Qu´importe à l´exilé que les couleurs soient fausses
On jurerait dit-il que c´est Paris si on
Ne refusait de croire aux apparitions
J´entends le violon préluder dans la fosse

C´est l´Opéra dit-il ce feu follet changeant
J´aurais voulu fixer dans mes yeux mal ouverts
Ces balcons embrasés ces bronzes ce toit vert
Cette émeraude éteinte et ce renard d´argent

Je reconnais dit-il ces danseuses de pierre
Celle qui les conduit brandit un tambourin
Mais qui met à leur front ces reflets sous-marins
Le dormeur-éveillé se frotte les paupières

Des méduses dit-il des lunes des halos
Sous mes doigts fins sans fin déroulent leurs pâleurs
Dans l´Opéra paré d´opales et de pleurs
L´orchestre au grand complet contrefait mes sanglots

J´aurais voulu fixer dans ma folle mémoire
Cette rose dit-il cette mauve inconnue
Ce domino fantôme au bout de l´avenue
Qui changeait pour nous seuls de robe tous les soirs

Ces nuits t´en souvient-il Me souvenir me nuit
Avaient autant d´éclairs que l´oeil noir des colombes
Rien ne nous reste plus de ces bijoux de l´ombre
Nous savons maintenant ce que c´est que la nuit

Ceux qui s´aiment d´amour n´ont qu´elle pour adresse
Et tes lèvres tenaient tous les soirs le pari
D´un ciel de cyclamen au-dessus de Paris
O nuits à peine nuits couleur de la tendresse

Le firmament pontait des diamants pour toi
Je t´ai joué mon coeur sur les chances égales
Soleil tournant des boulevards feux de Bengale
Que d´étoiles à terre et par-dessus les toits

Quand j´y songe aujourd´hui les étoiles trichèrent
Le vent charriait trop de rêves dérivés
Et les pas des rêveurs sonnaient sur les pavés
Des amants s´enlaçaient sous les portes cochèrent

Nous peuplions à deux l´infini de nos bras
Ta blancheur enflammait la pénombre éternelle
Et je ne voyais pas au fond de tes prunelles
Les yeux d´or des trottoirs qui ne s´éteignaient pas

Passe-t-il toujours des charrettes de légumes
Alors les percherons s´en allaient lentement
Avec dans les choux-fleurs des hommes bleus dormant
Les chevaux de Marly se cabraient dans la brume

Les laitiers y font-il une aube de fer-blanc
Et pointe Saint-Eustache aux crochets des boutiques
Les bouchers pendent-ils des bêtes fantastiques
Epinglant la cocarde à leurs ventres sanglants

A-t-il a tout jamais décidé de se taire
Quand la douceur d´aimer un soir à disparu
Le phono mécanique au coin de notre rue
Qui pour dix sous français chantait un petit air

Reverrons-nous jamais le paradis lointain
Les Halles l´Opéra la Concorde et le Louvre
Ces nuits t´en souvient-il quand la nuit nous recouvre
La nuit qui vient du coeur et n´a pas de matin