💃🎤 Paroles de chanson Française et Internationnales 🎤💃

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Artiste : Louis Aragon
Titre : Les mots m´ont pris par la main
Je demeurai longtemps derrière un Vittel-menthe
L´histoire quelque part poursuivait sa tourmente
Ceux qui n´ont pas d´amour habitent les cafés
La boule de nickel est leur conte de fées
Si pauvre que l´on soit il y fait bon l´hiver

On y traîne sans fin par la vertu d´un verre
Moi j´aimais au Rocher boulevard Saint-Germain
Trouver le noir et or usagé des sous-mains
Garçon de quoi écrire Et sur la molesquine
J´oubliais l´hôpital les démarches mesquines
A raturer des vers sur papier quadrillé
Tant que le réverbère au-dehors vînt briller
Jaune et lilas de pluie au coeur du macadam
J´épongeais à mon tour sur le buvard-réclame
Mon rêve où l´encre des passants abandonna
Les secrets de leur âme entre deux quinquinas
J´aimais à Saint-Michel le Cluny pour l´équerre
Qu´il offre ombre et rayons à nos matins précaires
Sur le coin de la rue Bonaparte et du quai
J´aimais ce haut Tabac où le soleil manquait
Il y eut la saison de la Rotonde et celle
D´un quelconque bistrot du côté de Courcelles

Il y eut ce café du passage Jouffroy
L´Excelsior Porte-Maillot Ce bar étroit
Rue du Faubourg-Saint-Honoré mais bien plus tard
J´entends siffler le percolateur dans un Biard
C´est un lieu trop bruyant et nous nous en allons
Place du Théâtre-Français dans ce salon
Au fond d´un lac d´où l´on
Voit passer par les glaces
Entre les poissons-chats les voitures de place
Or d´autres profondeurs étaient notre souci
Nous étions trois ou quatre au bout du jour
Assis
A marier les sons pour rebâtir les choses
Sans cesse procédant à des métamorphoses
Et nous faisions surgir d´étranges animaux
Car l´un de nous avait inventé pour les mots
Le piège à loup de la vitesse
Garçon de quoi écrire Et naissaient à nos pas

L´antilope-plaisir les mouettes compas
Les tamanoirs de la tristesse
Images à l´envers comme on peint les plafonds
Hybrides du sommeil inconnus à Buffon
Êtres de déraison Chimères
Vaste alphabet d´oiseaux tracé sur l´horizon
De coraux sur le fond des mers
Hiéroglyphes aux murs cyniques des prisons
N´attendez pas de moi que je les énumère
Chasse à courre aux taillis épais Ténèbre-mère
Cargaison de rébus devant les victimaires
Louves de la rosée Élans des lunaisons
Floraisons à rebours où Mesmer mime Homère
Sur le marbre où les mots entre nos mains s´aimèrent
Voici le gibier mort voici la cargaison
Voici le bestiaire et voici le blason

Au soir on compte les têtes de venaison
Nous nous grisons d´alcools amers
O saisons
Du langage ô conjugaison
Des éphémères
Nous traversons la toile et le toit des maisons
Serait-ce la fin de ce vieux monde brumaire
Les prodiges sont là qui frappent la cloison
Et déjà nos cahiers s´en firent le sommaire
Couverture illustrée où l´on voit Barbizon
La mort du Grand Ferré Jason et la Toison
Déjà le papier manque au temps mort du délire

Garçon de quoi écrire