Je me souviens d´un air qu´on ne pouvait entendre Sans que le coeur battît et le sang fût en feu Sans que le feu reprît comme un coeur sous la cendre Et l´on savait enfin pourquoi le ciel est bleu
Je me souviens d´un air pareil à l´air du large D´un air pareil au cri des oiseaux migrateurs Un air dont le sanglot semble porter en marge La revanche de sel des mers sur leurs dompteurs
Je me souviens d´un air que l´on sifflait dans l´ombre Dans les temps sans soleils ni chevaliers errants Quand l´enfance pleurait et dans les catacombes Rêvait un peuple pur à la mort des tyrans
Il portait dans son nom les épines sacrées Qui font au front d´un dieu ses larmes de couleur Et le chant dans la chair comme une barque ancrée Ravivait sa blessure et rouvrait sa douleur
Personne n´eût osé lui donner des paroles A cet air fredonnant tous les mots interdits Univers ravagé d´anciennes véroles Il était ton espoir et tes quatre jeudis
Je cherche vainement ses phrases déchirantes Mais la terre n´a plus que des pleurs d´opéra Il manque au souvenir de ses eaux murmurantes L´appel de source en source au soir des ténoras
O Sainte Epine ô Sainte Epine recommence On t´écoutait debout jadis t´en souviens-tu Qui saurait aujourd´hui rénover ta romance Rendre la voix aux bois chanteurs qui se sont tus
Je veux croire qu´il est encore des musiques Au coeur mystérieux du pays que voilà Les muets parleront et les paralytiques
Marcheront un beau jour au son de la cobla
Et l´on verra tomber du front du Fils de l´Homme La couronne de sang symbole du malheur Et l´Homme chantera tout haut cette fois comme Si la vie était belle et l´aubépine en fleurs