Comme un rayon dans un tunnel, Une étincelle dans l´horizon, Y avait ma vie, j´y arrivais La voix d´ ma mère a résonné comme un tonnerre de temps mauvais
Maman savait qu´ j´allais m´échouer Un peu comme une étoile de mer Sous une lueur de lune au fond des yeux, Les yeux d´ mon père
À ma façon, j´ai dit "Allo! C´est moi, j´ai froid, tenez-moi chaud" Je grelottais, comme ma grand-mère Qui voulait m´ prendre la première On s´est réjoui de mes sanglots J´étais en vie j´étais en larmes et puis bravo
Dans de la ouate et du velours, A quatre pattes, j´ai fait mille tours D´une maison remplie d´amour Mais sous mes draps, les soirs d´orage, J´ voulais voir mon papa, j´ poussais des cris J´ manquais d´ courage
C´ que j´aurais dû faire l´autruche Et faire confiance à ma peluche Et savoir que la nuit est douce Tant qu´on étreint son vieux nounours! C´ que j´aurais dû fermer ma gueule Puisque la nuit, même en famille, on est tout seul!
Beaucoup plus tard, sous la lueur D´un grand espoir, j´ai vu ton cœur s´ouvrir à moi, On n´peut plus large On s´est aimés à toute allure comme des fusées mais dans l´azur On s´est échoués sur un nuage Un seul orage a tout fichu en l´air Et c´est en un éclair
Que tout bêtement, on s´est perdus
C´ que j´aurais dû fermer ma gueule Fermer mon cœur avant qu´tu veuilles En sortir! Fermer le cercueil De notre amour avant de le voir mourir C´ que j´aurais donc dû être plus sage Et m´ contenter du p´tit nuage
Tu étais là et tu m´aimais J´ sais pas pourquoi mais j´en doutais Tu étais là, t´étais mon homme Un pas parfait, un qui déconne C´ que j´aurais dû faire l´autruche Et te serrer comme il se doit, Comme une peluche
Pendant des mois, j´ai bien tenté
De faire le deuil de notre histoire De mettre une croix sur ma mémoire Mais l´ téléphone sonnait plus gras Que les églises et leurs vieux glas Quand tu m´appelais et chaque fois Qu´ j´ voyais ton nom sur l´afficheur J´ restais là jusqu´au son du répondeur Qui me répétait
"Allo, c´est moi, allez, réponds! Je sais qu´ t´es là à la maison J´ai le cœur froid, j´ai le cœur gros, Ne veux-tu pas le tenir chaud?" J´ restais assise sur mon courage, L´orgueil noué dans l´œsophage Et j´écoutais
"Allo, c´est moi, allez, réponds!
Si j´ t´ai fait mal j´ te d´mande pardon" Tu disais tout ce qu´il fallait Pour que j´ te parle, mais j´ l´ai pas fait J´ me repliais sur mes bobos j´étais en vie, j´étais en larmes et puis bravo
"Allo, c´est moi, j´ voudrais que tu m´ donnes, Je t´en supplie, une deuxième chance Allo, c´est moi! Prends l´ téléphone, T´as qu´à dire oui et on r´commence" Mais l´ téléphone, un jour de pluie, Il a changé sa douce sonnerie en silence
Y a des rayons sur tes rideaux, Comme des éclairs de temps trop chaud J´ crois que c´est ta télévision, cette lueur Dans la fenêtre de ta demeure Où t´es peut-être en pyjama
Devant un film d´action
Ça fait tant d´ lunes que j´ me retiens, Peut-être bien par orgueil ou par rancune Ou par chagrin Voilà que je sonne et l´ carillon Gronde et résonne comme un tonnerre Moi, je suis là sur ton balcon En train d´ vibrer comme une grand-mère Je crie "Allo! Est-ce que t´es là? J´ai tellement froid, j´ai le cœur gros, Me revoilà"
Je reste là, comme une idiote, J´entends des pas derrière la porte J´ recule un brin, j´ vois ta fenêtre qui s´éteint Et je sanglote
Oui, le message est assez clair, Il est trop tard et j´ai l´espoir comme un désert
Au fond ne devrait-on pas tous, Par temps d´orage, faire l´autruche? Maintenant, la nuit me fout la frousse Et j´ai jeté toutes mes peluches
J´ prends mon portable, je signale J´entends "Viens-t´en ma p´tite étoile" Et, l´ cœur en sable, je dis "J´arrive" Je sais pas trop comment ça s´ fait Qu´encore une fois maman savait Qu´ j´allais m´échouer sur sa vieille rive
Alors, bien entendu, je viens Alors, bien entendu, j´accours
Bientôt, je frappe de mon p´tit poing La belle maison remplie d´amour Et je marmonne "Allo, c´est moi", j´ai comme des caillots dans la voix C´est d´jà ouvert
Maman m´ prépare un repas chaud Et j´ vois papa dans son fauteuil Y m´ regarde sans me dire un mot, Une lueur de lune au fond de l´œil Du vestibule où j´étudie Ce gros silence qu´ils ont construit Et j´ les envie!
Y sont pas de ceux qui s´en veulent Y vont se rendre au bout d´ leur vie En sachant bien fermer leurs gueules Se t´nir la main, les jours de pluie
Et y font ça pour être tranquilles, Pour être ensemble, pour leur fille Même si la nuit, même en famille, On est tout seul!