Les grands que j´connais Ils gardent tout l´temps Tout près de leur argent Dans leurs porte-monnaie Une photo d´enfant
Ah là il avait cinq ans Maintenant il en a huit Eh qu´le temps passe vite
Les grands que j´connais Pleurent à gros sanglots S´y faut que leur cadet Coupe-vent sur le dos Entre en maternelle Ou s´fasse des bobos Les grands ça s´permet D´avoir le cœur gros
Mais moi j´me gardais Toujours une p´tite gène Puis si j´te montrais J´voulais pas que ça traîne C´pas long qu´ta photo
Elle r´prenait l´trajet Vers mon porte-monnaie Toi qui étais si beau
Moi ´m´être écoutée J´aurais parlé d´toi À m´en essouffler Partout sur les toits Des fois j´me r´tenais Pis je gardais pour moi Combien je t´aimais T´sais, ça s´disait pas
Pourtant t´étais p´tit Tu t´nais dans ma main Quand j´t´ai accueilli Dans mon quotidien Je t´ai vu grandir
Et semaine après semaine J´t´ai laissé dormir Ta tête contre la mienne
On s´levait l´matin Je remplissais ton plat Puis je remplissais l´mien Puis on déjeunait Tu t´jetais dans mes bras Quand fallait que j´m´en aille Tu voulais donc pas Que j´parte au travail
Puis là au bureau Ben j´pensais à toi En passant l´rouleau Sur ma jupe en soie Puis l´soir j´arrêtais
À l´animalerie T´acheter des jouets T´acheter des gâteries
Les grands que j´connais Quand il arrive un drame Il y a l´monde au complet Qui s´rue sur leurs larmes Il y a des bouquets de fleurs Des cartes à la conne S´il faut qu´leur bonheur S´égare et s´endorme
Toi mon p´tit têtu Toi mon doux complice Ça y est j´t´ai perdu Puis j´suis seule à être triste Y a tellement d´rapaces
Qui conduisent trop vite Pour les p´tits de ta race Y a pas d´délit d´fuite
T´as pris tes deux pattes Les deux qui t´restaient Puis tu t´es traîné Jusque sous l´buisson La voisine d´en face T´as vu d´son balcon C´comme ça qu´j´t´ai r´trouvé Mon pauvre chaton
Les grands que j´connais Laissent pas leurs petits Courir dans les rues Quand s´en vient la nuit Mais il n´y aura personne
Pour m´dire "c´est pas d´ta faute" Faudra que j´me pardonne Un jour ou l´autre
Les grands que j´connais Ils gardent tout l´temps Dans leurs porte-monnaie Leurs plus belles photos Qu´y tendent à bout d´bras Vers le premier v´nu Qui s´dira tout bas "Le mien est plus beau"
Ben moi ta photo J´la garderai sur moi Malgré c´qu´on pensera Malgré les ragots Quand j´la montrerai
Ben les yeux dans l´eau Fièrement je dirai "Il s´appelait Charlot"