Dans ma p’tite tête, j’ai comme un but Brigitte Bardot à ses débuts La grosse ligne noire qui finit plus Avec du fard partout au-dessus
Je veux avoir le regard qui tue J’en mets ben qu’trop, pis j’continue Je me travaille le look « Pitoune » Pis quand j’arrête, j’ai l’air d’un clown
Oui, j’beurre épais, c’est vrai, j’l’avoue Et puis j’me mets des bottes aux genoux Je me permets même des « rajouts » Et plus y en a, plus c’t’à mon goût
Moi, j’ai toujours été comme ça Les années passent, mes goûts changent pas J´mets du rose pâle sur ma bouche J’ai le syndrome Fabienne Larouche
J’ai juste connu une petite période
Où on m’a convaincue qu’j’tais belle Et que j’pouvais suivre la mode Et adopter le look naturel
À cette époque, l’homme que j’aimais Était du genre convaincant « Te maquille pas » qu’il me disait « J’te trouve moins belle avec que sans »
Donc, un matin après ma douche Dangereusement propre du visage J’ai résisté à ma grosse trousse Et j’suis sortie sans maquillage
Mon homme a fait son satisfait Y m’a couverte de compliments J’ai quasiment cru que c’était vrai Et pendant quelques mois durant
Le pauvre a eu le grand bonheur De bécoter une morte vivante Sur ses fades joues sans couleurs Et sa bouche antidérapante
Jusqu’à ce jour où sur la rue Au bras de mon heureux élu J’ai vu son regard bifurquer Sur la « poupoune » d’à côté
Une petite blonde, la r’pousse foncée Du gros fond d’teint jusqu’au corsage La bouche en cœur bien coloriée Une p’tite Bardot de bas étage
Les belles paupières tellement chargées Qu’a les ouvrait pas au complet
Le mascara tant étiré Qu’y ventait full quand a clignait
Le soir venu, lumières fermées C’est fou c’qu’il a eu un regain Mon bel époux ravigoté Y s’est fait aller l’Canadien
« Envoye » par-là les positions Toutes, à part celle du missionnaire Il voulait pas le faire de front Mais ce qu’y m’faisait par derrière
Ben j’ai vraiment eu l’impression Que ça s’adressait pas à moi Dès le lendemain, j’ai r’pris l’crayon Pis le putty, pis l’mascara
Je me suis bien barbouillé l’œil Façon Bardot comme dans l’bon temps J’ai définitivement fait l’deuil De mon petit look ennuyant
Enfin… jusqu’à tout récemment J’ai rechuté, c’est comme rien Moi aujourd’hui, j’ai deux enfants La vie va vite, l’horaire est plein
J’ai emmené mon bébé au parc Un jour comme ça, à la sauvette Pas l’temps de m’dessiner mon masque Alors, j’me suis mis des lunettes
Dans ma p’tite tête, c’était correct Un super look Paris Hilton L’illusion me semblait parfaite
Non, j’allais faire peur à personne
Me voilà perchée tout en haut De l’escalier de la glissoire Mon bébé glisse, je crie : « Bravo! » Et me voilà sous le regard
D’un jeune papa comme trop sociable Qui tient d’un bras son gros poupon Y s’plante les sandales dans l’sable Et y entame une conversation
Pis y m’demande si c’est ma fille Celle qui s’amuse sous mes yeux Et moi, pour être très précise Vu que des filles, ben, j’en ai deux
J’dis : « Oui, celle-là, c’est ma petite fille! »
Y m’répond : « Ah, vous êtes grand-mère? »
Bon, c’est pour ça que j’me maquille Pis que j’beurre épais en « joualvert »!