Les minutes s´égrènent Mes heures et mes semaines Filent en fumée Faudrait que j´me souvienne Je ne peux plus m´arrêter d´oublier
J´ai oublié l´adresse De ma maison J´ai oublié ma veste À la réflexion J´ai peur qu´il ne me reste Qu´un prénom
Je m´appelle Marguerite Mais quel est ce village Que je traverse Je vais marcher plus vite J´ai peur qu´le gros nuage Échappe une averse J´ai rencontré deux ou trois inconnus Des petits effrontés qui m´ont dit : « Salut » Est-ce que j´les connaissais je n´sais plus
Je regarde de loin Le soleil se coucher Je n´sais plus mon chemin Je me sens fatiguée Si je me rappelle bien Quand l´ciel est tout rosé C´est qu´y fera beau demain J´voudrais en profiter Mais j´ai de l´esprit en absence J´ai plus d´amis j´ai plus d´enfance
Mes heures s´entretuent Mon cœur a des secrets Qui me tenaillent Mon corps ne sait même plus Si quelqu´un a germé dans ses entrailles J´ai perdu la notion du temps qui passe J´me mire dans une vitrine
Comme dans une glace J´ai pas trop mauvaise mine Mais hélas J´ai les cheveux en bataille J´ai oublié de soigner ma coiffure J´ai même pas mon chandail J´ai qu´une chemise de nuit en pleine nature Mais qui donc est cette femme d´âge mûr Qui s´dépêche à descendre d´une voiture Qui m´agrippe le bras et murmure
« Ne vois-tu pas de loin Le soleil se coucher Il est tard allez viens T´es sûrement fatiguée » Elle me dit : « Regarde bien Le ciel est tout rosé Il fera beau demain
Faudra en profiter Je t´ai retrouvée t´as de la chance Mais faudrait pas que tu recommences »
Elle m´a inventé toute une enfance Là sur la banquette Elle m´a ramenée à la résidence À ma chambre et enfin de ma fenêtre
On a r´gardé de loin Le soleil se coucher On parlait un peu moins On était fatiguées On a dit : « Regarde bien Le ciel est tout rosé Il fera beau demain Faudra en profiter Et là je l´ai reconnue je pense
Ma bonne et seule amie d´enfance
Les minutes s´en vont Prennent mes souvenirs comme en otage J´ai l´sommeil d´un poupon Mais la nuit noire blanchit mes images J´me réveille une photo entre les mains Deux petites filles qui courent au bord d´un jardin Mais qui sont ces enfants ? C´est fou c´que ma mémoire a foutu l´camp
J´entends glisser dans le corridor De molles chaussures Et comme une vie sur mon cerveau mort Y a la voix de cette femme qui murmure
« On regardera encore
Le soleil se coucher Et si jamais tu t´endors Si t´es trop fatiguée J´te dirai : Regarde bien Le ciel est tout rosé Il fera beau demain Faudra en profiter Mais tant qu´tu pars pas dans l´silence J´vais t´remémorer ton enfance »
« Tu t´appelles Marguerite J´t´appelle encore la voisine d´en face Quand on était petites Tu étais la plus jolie de la classe »