C’est vrai qu’ça doit pas être drôle D’être le grand pourvoyeur D’être celui qui contrôle Le paiement de la demeure
Merci d’payer l’hypothèque C’est vrai qu’c’est ingrat comme rôle Que ferais-je sans ton épaule Sans l’soutien d’ce précieux chèque
Merci d’payer la maison Après, y a que les détails J’m’en occupe, comme de raison Déjà qu’toi, t’as un travail
Qui te met d’la sueur au front Je me charge des pacotilles Des futiles corvées de filles Comme de faire des commissions
Merci de prendre sur toi La grosse charge financière Moi, avec mon p’tit salaire
J’fais ma petite part d’achats
Du sirop pour toux nocturne Pour Mélanie qui est grippée Et une bouteille de jus d’prunes Pour son frère qui est constipé
J’ai acheté des beaux ciseaux Oui, c’est vrai, c’est un détail Comme de remettre à niveau Notre inventaire de KY
Les plasters, la crème à mains Le Wizard et les shampoings Les Kleenex pour Mélanie Qui a le nez tout cramoisi
Bien sûr j’ai payé d’ma poche
Les rasoirs Bic que voici Avant qu’tu m’fasses des reproches Sur mon contour bikini
C’est fou, tout c’que tu finances Mon amour Moi, j’m’occupe des p’tites dépenses La déco, les abat-jours
Les ampoules et puis les piles Les iPads et les skate boards Les pneus d’hiver d’la vieille Ford Les p’tits paiements puérils
Et puis surtout, t’en fais pas Pour les comptes de taxes scolaires Tu sais bien qu’c’est sur mon bras T’as bien assez d’tes affaires
C’t’un peu comme pour l’épicerie Faudrait pas que tu t’déranges J’vais y aller, j’connais les prix Pis c’est moi qui sais c’qu’on mange
L’premier jour d’école arrive Et il arrive à grands pas T’en fais pas, j’défraie les livres Les cartables et les compas
En passant, y a ton carton D’cigarettes Sur l’étagère du salon À côté de la plante verte
C’est moins cher en gros paquets En attendant que t’arrêtes
Dis-le moi quand tu s´ras prêt J’t’achèterai des « Nicorette »
Oui, ça doit être fatigant D’être l’homme de la maison D’ailleurs, tu m’as l’air distant T’es de plus en plus grognon
T’es-tu engueulé avec Ton patron? Tu t’en fais pour l’hypothèque, quoi? T’as des ennuis d’pognon?
Bon, d’accord, si c’est pas ça J’comprends pas y’ est où, l’bobo Allez, dis-moi donc pourquoi T’as l’air au bout du rouleau
J’ai engagé un p’tit gars Pour qu’il tonde le gazon Ça te fait ça d’moins déjà D’éreintantes obligations
Je te demande pardon Mon chéri J’t’en supplie, répète-moi donc C’que t’as dit
Tu trouves que c’est plus pareil Qu’on a perdu la passion Que notre amour a sommeil Que tu m’donnes ta démission!?
Est-ce que j’suis en train d’rêver Ou bien est-ce que j´vois c’que j’vois? Tu m´as même pas consultée
Et t’embauches un avocat?!
Tu trouves pas un peu précoce De m’présenter ces papiers Où j’aperçois notre divorce Déjà tout bien calculé…?
Tu as pris ta décision Tu t’en vas Tu veux garder la maison Tu estimes que tu y as droit
Tu m’demandes désormais D’passer par ton avocat Pour les questions que j’aurais Et voilà, tu disparais…
Dès l’lendemain, j’passe au bureau
D’un gros homme détestable Une gueule de vieux maquereau D’escroc véreux déloyal Il me dit de m’asseoir là Il me toise avec mépris J’me sens comme un p´tit putois Prête à l’asperger d’pipi
Il m’explique d’un air hautain Qu’m’étant mariée sans contrat Puisque je ne payais rien La maison ne m’revient pas
J’payais rien? Euh… C’pas légal, ça? Ça marche pas d’même? Ben, voyons donc!?? Moi, j’payais rien, d’toute façon?
Mais le camelot et les sirops?
- Ça, ça compte pas, madame! Mais l’huile d’olive et le Drano!? - Ça, ça compte pas, madame!
Oui mais le chlore pour la piscine Et le propane pour la chauffer Le lait, le pain, la margarine? - Ça, ça compte pas, madame!
Le Vicks et l’alcool à friction? - Ça, ça compte pas, madame! Les antibiotiques du fiston? -Ça, ça compte pas, madame!
Le flacon de bleu d’méthylène Pour ma fillette qui a des aphtes Et les onguents quand elle s’érafle? - Ça, ça compte pas, madame!
Oui mais les taxes et puis les dons Et les jeux d’cartes et les caleçons Et puis les cours de gymnastique Puis de patin, puis de musique
Les caisses de bière de mon mari Ses cigarettes, son dentifrice Sa crème à raser, son Downy Pour que ses ch´mises soient douces et lisses
Puis les cruches d’eau puis les épices Puis les Kotex puis les tampons Puis les lotions pour pas que j’plisse Puis les pierres ponces puis les chiffons
Puis les bons vins, puis les chandelles Pour tenter d’ranimer la flamme Le compte d’Hydro, le compte de Bell? - Ça, ça compte pas, madame!
Finalement, ça doit être drôle D’être le grand pourvoyeur D’être celui qui contrôle Le paiement de la demeure
Lui a gardé la maison Moi, j’ai gardé les enfants Et j’attends l’chèque de pension Dont il conteste le montant
Comme j’suis partie sans un rond Y a un lot d’paiements qui pressent Mais puisqu’il a pris l’avion Pour s’envoler vers la Grèce
Avec une petite amie Qui a d’gros seins et pas une ride Avec ses économies Qu’il gardait pour la Floride
Faut qu’j’attende son retour Pas pour payer mon loyer Mais ces bagatelles autour Qui finissent par vous ruiner