Alleluia ! Fais, ô soleil, la maison neuve ! Mes soeurs, que chacune se meuve Avec des mains de ménagère et des doigts gais C´est Pâques ! Jetons hors les poussières obscures,
Frottons de sable fin les clefs et les serrures, Pour que la porte s´ouvre en paix.
Cirons doux, cirons vif les battants des armoires, La fenêtre en rit dans leurs moires ! Frottons ! qu´elle se mire au luisant du parquet. Vêtons-lui ses rideaux de fraîche mousseline Quel ouvrage ! A-t-on cuit le gâteau d´avelines Et mis sur la table un bouquet ?
Alleluia ! Nous avons fini d´être mortes, De jeûner, de fermer nos portes, Le coeur clos et gardé par les effrois pieux. Le prêtre a délivré la flamme et les eaux folles, Notre âme sort et s´amuse dans nos paroles Et notre jeunesse en nos yeux.
Ouvre tout grand la porte à la Semaine Sainte. Mon coeur en moi sautille et tinte Ainsi qu´une clochette en or vif qui se tut Et s´en revient de Rome après les temps mystiques Me donner l´envolée et le ton des cantiques Pour l´allégresse du salut.
Mais avec ma corbeille il faut que je m´en aille Chercher les oeufs frais dans la paille Aux vignes d´alentour ont fleuri les crocus En rondes d´or et tenant leurs mains verdelettes J´ai vu dans les fossés des nids de violettes Et des coucous sur les talus.
Les poules ont pondu très loin dans la campagne. Dans le matin qui m´accompagne ?
Venez-vous-en seul avec moi, mon bien-aimé Quelle parole avant d´y penser ai-je dite ? Où donc est ce bien-aimé-là, dis, ma petite ? Qui d´un tel nom as-tu nommé ?
Est-ce Jésus, ô moi qui ne connais point d´homme ? Le Dieu martyr que dans son somme Hier nous avons veillé toute la nuit au coeur, Pleurant d´amour sur son tombeau, de deuil voilées ? Est-ce le Printemps doux et ses graines ailées Qui nous a soufflé dans le coeur ?
Mon bien-aimé, ce n´est qu´un mot, ce n´est personne. Mais de l´avoir dit je frissonne Et je suis parfumée et je suis en rumeur
Comme une fiancée au roi qui l´aime offerte, Je frémis et me sens comme la terre, ouverte Toute grande aux pieds du semeur.
Quel germe au loin flottant va me voler dans l´âme ? Quel est le grain qu´elle réclame Pour être avec les fleurs une fleur de l´été Et pour porter des fruts quand passera l´automne ? Il est doux, invisible et léger, il chantonne A travers le vent enchanté.
Qu´est-ce que le Printemps, ô Jésus, mon doux Maître ? L´Ange des révoltes peut-être Qui change d´un regard et la terre et les eaux Pour me séduire et m´agite neuve et rebelle,
- Moi qui devrais vous être une calme chapelle- Ainsi que l´herbe et les rameaux.
Ah ! de lui maintenant pourras-tu me défendre ? O Christ, il te fallait l´attendre Sur ta croix de salut tous les jours sans guérir Et me faire couler sur le coeur, de tes plaies, Ton sang, pour que cherchant tes épines aux haies, A tes pieds j´adore mourir.
Mais ce matin que l´Ange a remué la pierre, O Toi debout dans la lumière, Ressuscité de l´aube aux pieds couleur du temps, Toi qui dans le jardin as rencontré Marie Que feras-tu, jardinier de Pâques fleuries, Pour me défendre du Printemps ?