Bien des hommes mal éduqués Lorsqu´ils vont dans l´ grand monde Se font tellement remarquer Qu´on en est offusqué On voit des jeunes gens presser
D´une manière immonde La jeune fille qu´ils font danser C´est vraiment déplacé
Mais moi, sans avoir l´air d´y toucher J´ tiens comme une reine Celle que j´entraîne Je prends un petit air détaché Et j´ose à peine, sur elle, me pencher Elle est ravie d´ mes façons chevalières Et d´elle-même vient se rapprocher Alors, sans avoir l´air d´y toucher J´ lui prends l´ derrière Et j´ l´emmène coucher
Bien des gens avant d´acheter Babas et tartelettes Ont la manie d´ les tâter
Et de les tripoter Ils les prennent en chipotant Puis les remettent dans l´assiette Si tout l´ monde en faisait autant Ce serait dégoûtant
Mais moi, sans avoir l´air d´y toucher Comme c´est la crème Surtout que j´aime Quand j´ vois un p´tit chou qui m´ fait loucher V´là mon système Je n´ai pas à l´ cacher M´ dissimulant derrière une cliente Sur le chou je tâche de me pencher Et puis sans avoir l´air d´y toucher Je me contente de le lécher
Il est des boxeurs nerveux
Qui tout de suite s´affolent Ils découvrent trop leur jeu On les a comme on veut Cherchant à vous knockouter À la première torgnole Sur vous ils viennent se jeter Avec brutalité
Mais moi, sans avoir l´air d´y toucher Je cherche à plaire À l´adversaire J´ lui dis "Faudrait pas trop s´amocher Parce que nos mères En seraient bien fâchées" Me dandinant d´une façon légère Peu à peu, je le laisse approcher Et vlan ! D´un direct, j´ lui fais cracher Toutes ses molaires sur le plancher
Des joueurs peu scrupuleux Quand ils font une belote Regardent dans votre jeu En se penchant un p´tit peu La plupart, très maladroits L´ font d´une façon idiote Et s´ font traiter quelquefois De gens de mauvaise foi
Mais moi, sans avoir l´air d´y toucher Tout l´ temps, j´ me place Face à une glace De loin, je vois, sans jamais m´ pencher Les cartes qui passent Ça n´est pas tricher Mon adversaire se lamente et discute En m´ voyant toujours empocher
Je zieute sans avoir l´air d´y toucher En cinq minutes, il est fauché
Dans le magasin d´un gros Marchand de porcelaine L´autre matin, subito J´entre avec mon auto J´ai cassé vingt pots à eau, Des assiettes par douzaines Plus d´un, devant tous ces morceaux Serait resté comme un sot
Mais moi, sans avoir l´air d´y toucher J´ fais, très Régence Une révérence J´ salue l´ vendeur, qui s´est caché Vers lui, j´ m´avance D´un air détaché
En enjambant tous les débris d´ théières Ci et là, j´ai l´air de chercher Et j´ dis, sans avoir l´air d´y toucher "J´ veux une soupière Très bon marché"