Mme Émery : Ma petite fille tu es folle, est-ce qu´on pense au mariage à 16 ans ?
Geneviève : 17 ans !
Mme Émery : Amoureuse !
Geneviève : Est-ce que je suis trop laide ou trop bête ?
Mme Émery : Mais non ! Tu n´es pas laide, tu n´es pas la merveille des merveilles. Mais on ne peut pas dire que tu sois laide ni sotte, seulement tu as l´temps. Tu crois aimer, mais l´amour c´est autre chose. On ne tombe pas comme ça, amoureuse d´un visage, que l´on croise dans la rue.
Geneviève : C´est un jeune homme que j´ai rencontré plusieurs fois et qui m´aime.
Nous voulons nous marier, tu ne dis rien ?
Mme Émery : Mais je suis stupéfaite !
Geneviève : Je suis allé avec lui au théatre hier soir ...
Mme Émery : Magnifique ! Alors tu m´as menti et tu avoue sans la moindre honte.
Geneviève : Ce n´est pas honteux de vouloir se marier !
Mme Émery : À ton age si, enfin non! Tu es une petite fille, toute petite, tu ne sais rien.
Geneviève : Évidemment ! Ce n´est pas avec ce que tu m´as dis que je saurais me débrouiller !
Mme Émery : Lorsque j´ai épousé ton père, moi, je ne savais rien...
Geneviève : Il n´y a pas de quoi se vanter !
Un passant : Le marchand d´couleurs, s´il vous plait ?
Mme Émery : C´est la porte à côté. Quel âge a-t-il ?
Geneviève : 20 ans.
Mme Émery : Bien entendu, il n´a pas fait son régiment.
Geneviève : Non. Il vit avec sa marraine, une dame qui l´a élevé Il n´a que moi et tu verras, il est très beau.
Mme Émery : Je ne verrais rien du tout !
Geneviève : Mais maman !
Mme Émery :
Montes à l´appartement. Il est temps de préparer le déjeuner.
Geneviève : Bonjour !
Le facteur : Bonjour mademoiselle, bonjour madame.
Mme Émery : Bonjour.
Le facteur: Au revoir
Mme Émery : Ah mon Dieu! Geneviève! Nous sommes perdues…
Geneviève : Toujours les grands mots.
Mme Émery : 80 000 francs à payer avant l´quinze. Tu trouves ça drole ?
Geneviève : Et si tu n´payes pas ?
Mme Émery : On nous saisiera.
Geneviève : Je travaillerai.
Mme Émery : Quel genre de travail ?
Geneviève : N´importe quoi.
Mme Émery : Aux Postes ou à la Mairie.
Geneviève : Pourquoi pas ? Tu comprends, maman, si je me marie, Guy et moi, nous travaillerons nous pourrons t´aider.
Mme Émery : Mais ma petit´ fille, il n´est pas question, de te marier... Enlèves ça, tu vois bien qu´tu m´gênes. D´abord, a-t-il un métier ? Est-ce qu´il peut te faire vivre, élever des enfants.
Geneviève : Il n´est pas riche. Nous vivrons simplement et nous n´aurons pas tout d´suite des enfants.
Mme Émery : Non, mais au moins un !
Ce n´est pas lui qui payera mes impôts. Depuis hier je n´ai plus un sou en caisse.
Geneviève : Vends tes bijoux.
Mme Émery : Mes bijoux, jamais.
Geneviève : A quoi te servent-ils ? Tu n´les regardes même pas.
Mme Émery : Et si j´ai un coup dur ?
Geneviève : Et c´qui nous arrive, n´est-c´pas un coup dur ?
Mme Émery :
Non, c´est impossible. Si j´vendrai mes bijoux, j´aurai l´impression. De me dépouiller, d´être toute nu.
Geneviève : Et bien, trouves autre chose.
Mme Émery : Autre chose ? Mais nous n´avons rien !
Geneviève : Alors, vends le magasin.
Mme Émery : Sot ! De quoi vivrons-nous ? Évidemment, un bijou, ce n´est qu´un bijou. Si j´changerais d´coiffure ? Ma bague de fiançailles, elle est affreuse ! Ce bracelet, il est importable ! Personne n´en voudra.
Geneviève : Et ton collier ?
Mme Émery : Mon collier, tu crois ? C´est un crime, non jamais je ne m´en séparai.
Geneviève : D´ailleurs, il est sur´ment faux.
Mme Émery : Allons donc ! Après tout il n´est pas si joli qu´ça ! Cet après-midi, nous irons chez Monsieur Dubourg ensuite, je passerai chez l´coiffeur.