Elle arrivait en tirant Une petite carriole pleine de cubes De toutes les tailles et de toutes les couleurs Elle soufflait comme un vieux ch´val Et marchait si lentement que d´ ma fenêtre
J´ la suivais des yeux pendant une heure Le vieux qui la conduisait portait Une blouse grise et boitait Lequel des deux était le plus triste ? Il choisissait un coin de trottoir Pour installer son bazar La chèvre faisait un tour de piste
Le vieille chèvre de mon enfance Qui me donnait envie d´ pleurer Chaque fois qu´on peine pour avancer J´y pense Elle était lenteur et silence Comme on lui avait appris Quand on court et quand on crie J´y pense
Entre ses oreilles, elle avait
Une grosse fleur rouge en papier Et des grelots autour d´ son collier L´ vieux soufflait dans un clairon Pour ameuter la population J´ descendais avec mon porte-monnaie Un cube sur l´autre toujours plus haut Fallait qu´elle monte et ses sabots Glissaient un peu, j´avais très peur Elle grimpait sur sa p´tite pyramide La tête baissée, les yeux vides Ses pattes tremblaient toujours plus fort
La vieille chèvre de mon enfance Qui me donnait envie d´ mourir Quand y faut trimer sans rien dire J´y pense Elle était douleur et patience À force de coups sur le dos
Quand on secoue nos barreaux J´y pense
Quand elle arrivait tout en haut Elle serrait ses quatre sabots Sur le p´tit cube couvert de paillettes Le vieux f´sait signe d´applaudir Je souhaitais très fort d´ le voir mourir Il disait "Bravo, Madame Ginette" D´un bond elle redescendait Alors l´ vieux faisait claquer son fouet Et Ginette faisait la révérence Puis, tenant serré dans ses mâchoires Le chapeau mou du vieillard, Elle faisait le tour de l´assistance
La vieille chèvre de mon enfance Qui me donnait envie d´ frapper
Chaque fois qu´on veut nous écraser J´y pense Elle était l´obéissance, Rançon de sa tranquillité
(x2) Chaque fois qu´on va se révolter J´y penserai