C´est une rue bien proprette Où vivent des gens honnêtes Qui parlent un triste esperanto Cidunati-tiercé-loto Et les concierges ont des trognes
Qui luisent dans les cours borgnes Leur bête noire c´est les chiens Juste après les Nord-Africains
Dieu merci, y a Claudette Qui sourit derrière ses côtelettes Et se moque bien des ragots Dans sa villa de godiveaux Et sur la rue cruelle Étale jambons et quenelles Et fait crédit à qui lui plaît De sa banque de boudin frais
C´est une rue militante Au zinc du bar d´ la détente Deux braves papas pour l´apéro Rejouent Néron, rejouent Franco À coup d´ rouge, à coup d´ momies
Ils reprennent les Colonies Et pour s´ distraire entre poteaux Se r´font la nuit des longs couteaux
Dieu merci, y a Claudette En furie derrière ses rosettes Dans son bunker de lard fumé Sauve qui peut ! Le monde est cinglé Et sur la rue méchante Elle ouvre ses portes battantes Et nargue les grands méchants loups De sa caverne de saindoux
C´est une rue bien à l´aise Quand fleurit la charentaise Dans les chaumières et dans les cœurs À l´ombre des télés couleurs Elle a l´ trottoir qui frétille
À l´heure des loups et des filles Qui se gèlent au coin des allées Sous l´œil goguenard des poulets
Pendant c´ temps, y a Claudette Qui s´ paye un petit soir de fête Une petite tranche de bonheur En sortant du congélateur Les cochons qui sommeillent Et qui lui ronronnent à l´oreille Des visions de charcuterie Pires qu´à la Saint-Barthélémy
Les concierges, les proxénètes Passent à la moulinette Les petits Pétain de comptoir Les p´tits Zorro du Progrès-Soir Sont changés en andouillettes
En pâtés, en amourettes Ils implorent qu´on les gracie Devant l´autel de jésus cuit
C´est le rêve à Claudette Quand elle a peur des gens honnêtes Qui par malheur n´ont jamais vu Plus loin que le p´tit bout d´ leur rue Dieu merci, y a Claudette Sur la rue, comme une fenêtre Comme un bol d´air pour les passants C´est déjà mieux qu´un bol de sang