Son homme n´était pas revenu de la guerre Cinq enfants de lui, pour s´en souvenir Le voilà tracé, le bel avenir Un petit chemin qui sent la banlieue, la misère Elle disait "Je gagne mon paradis"
Jamais de repos, jamais de dimanche Ma grand-mère Olympe, les mains sur les hanches Plantée derrière le comptoir de son épicerie
L´Olympe, c´est un paradis plein de dieux pas très catholiques Dis mémé, qu´est-ce que tu en dis, depuis que t´as plié boutique Ce bon Dieu que tu adorais, Tient-il ses promesses ? Comment c´est le bonheur, le vrai ? Vaut-il une messe ?
Les costauds en bleu à l´heure de la pause Sifflaient des canons et les p´tits enfants L´école finie, se plantaient devant Les grands bocaux de bonbons qui trônaient en vitrine
Claquait le rideau et dans un soupir S´asseyait le soir auprès du fourneau Là, elle puisait dans de pieux journaux Une sainte peur des hommes et de la politique
L´Olympe, c´est un paradis plein de dieux pas très catholiques Dis mémé, qu´est-ce que tu en dis, depuis que t´as plié boutique Dans les bras d´un ange déchu D´une âme en détresse Rattrapes-tu le temps perdu Ta vie sans caresses ?
Au bord de la cour pleine d´hirondelles Ma grand-mère Olympe tricotait souvent Recomptant ses mailles et ses p´tits enfants
Et n´oubliait pas un chien perdu dans ses prières
À chacun sa croix, son lot sur la Terre Soyez bons enfants et bons ouvriers Derrière ses lunettes à double foyer Tout s´estompait peu à peu, souvenirs et colères
L´Olympe, c´est un paradis plein de dieux pas très catholiques Dis mémé, qu´est-ce que tu en dis, depuis que t´as plié boutique Tes créanciers, tes proprios Sont-ils, comme j´espère, Dans les flammes avec les salauds Qui signent les guerres ?
Si lourdes les jambes, en fin de journée Et sur les carreaux, des pas minuscules Si lourde la tête où tout se bouscule Les prénoms d´enfants tout au long des calendriers
Mais grand-mère Olympe aimait bien chanter De sa petite voix forgée aux cantiques Des chants revanchards et patriotiques Avec "Le temps des cerises" et "Le violon brisé"
On a fermé l´épicerie Et des boutiques grand modèle Écrasent les gens et les prix Elles sont parties, tes hirondelles Au grand carrefour des nostalgies J´ te revois toute droite Tu nous tricotes à l´infini