Comme j’avais rien à faire J’marchais le nez en l’air Quand j’aperçus que j’étais suivie Par un monsieur très sport Bien sous tous les rapports
Qui me regardait avec envie Il me dit : Venez donc chez moi On n’s’embêtera pas J’répondis d’un air narquois Tout en pressant le pas :
– Non, monsieur, je n´ai pas l’temps N’insistez pas, vraiment Ce n’est pas l’moment – Ah ! chez moi, j’ai tout c’qu’il faut Des gâteaux, du porto Et même un phono – Non, monsieur, vous pouvez courir Je n’irai pas – Courir, je n’fais qu’ça – Ah ! ah ! ah ! Ne vous fatiguez pas tant Vous voyez bien pourtant Que je n’ai pas l’temps
Puis j’enfilai dare-dare Les rues et les boulevards Partout, il me suivit pas à pas J’allai au Luxembourg J’en fis sept fois le tour Et le jeune homme était toujours là Il dit : Je vous f´rai goûter À la volupeté Mais sans jamais m’arrêter Je lui ai répété :
– Non, monsieur, je n´ai pas l’temps N’insistez pas, vraiment Ce n’est pas l’moment – Ah ! chez moi, vous aurez tout L’amour pur, l’amour fou J’f’rai les quatre cents coups
– Non, monsieur, je suis sérieuse Et je ne marche pas – On n’le dirait pas – Ha ! ah ! ah ! Je me fiche éperdument De tous vos boniments Car je n’ai pas l’temps
Pour m’en débarrasser J’marchai sans me lasser J’fis ainsi tous les coins de Paris Mais toujours en courant Lui derrière, moi devant Nous arrivâmes près d’une bijouterie Je dis : Ce petit collier F’rait bien à mon p’tit cou Alors, c’est singulier Il cria tout à coup :
– Non, mam’selle, je n’ai pas l’temps N’insistez pas, vraiment Ce n’est pas l’moment – Si j’ai ce collier au cou Je s’rai comme un toutou J’vous suivrai partout – Non, mam’selle, pour ces trucs-là Je ne marche pas – Vous n’êtes qu’un goujat Les hommes vous font des serments D’mandez-leur un présent Ils n’auront pas l’temps