De tous les cimetières celui qu´ j´ai aimé Celui où j´ voudrais vivre un peu ma mort C´est celui où demeure Marcel Aymé Qui fait l´ grand dodo près d´ l´avenue Junot
Je n´ lui dirai pas qu´ j´ suis content d´ le revoir J´osais déjà pas avant qu´il s´ laisse choir Peut-être qu´au néant on aura tout l´ temps D´ s´expliquer un brin, d´être un peu causants
J´ me demande ce qu´on fera pour tuer les heures Pendant qu´ les vivants nous feront la visite Lui qu´est pas bavard, moi qui ai du cafard Aura-t-on là-bas des petites âmes-sœurs ?
Le soir a-t-on le droit d´ faire la mort buissonnière À l´heure où l´on ferme les cimetières et les squares ? Pour écouter d´ la vie le bruit illusoire Et chauffer nos os au Paris-lumière
Pourra-t-on grimper tout en haut de la Butte Jouer à chat perché et passer des murailles ? Et dans nos poitrines écouter la flûte Du vent de la France au parfum de blés ?
Et donner l´ bonsoir dans la langue des morts À tous nos copains qui vivront encore Ou à nos enfants, ou même aux passants Personne ne l´ saura, nous on nous voit pas
Au cocorico on filerait au trot Dans l´ joli hôtel on ferait le mur On serrerait les os, on s´ dirait "À demain !" Je serais si content d´être enfin d´ ses copains
De tous les cimetières celui qu´ j´ai aimé Celui où j´ voudrais vivre un peu ma mort C´est celui où demeure Marcel Aymé