Tous les vieux de la vieille Tous les vieux machins Tous les assoiffés coquins Même les méchants Même les cagots
Et même les bien-pensants Ils vous le diront Ils vous le redizeront Ils vous le raconteront C´ que fut l´enterrement Du vieux père l´Absinthe Mort en delirium tremens
Nous tous, ses copains Tous vrais alcooliques Étions à la basilique Étions réunis Entre vieux soiffards Derrière notre pauvre ami Morbides on suivait Son bel enterrement Quand dans la rue de l´Espoir Voilà qu´un feu rouge
Nous coupe de la bière Qui poursuit seule son calvaire
Sans demander son reste Le convoi s´enfuit Personne connaissait l´adresse On eut beau l´appeler On eut beau crier On eut beau gesticuler Et rue de l´Espoir Il fallut nous voir Courir dans un deuil à courre Mais peut-on lutter Contre les autos ? On a fini au bistro
Dans tous les cimetières On chercha en vain
Le pied-à-terre funéraire De notre vieil ami Qu´un destin maudit Privait d´ sa cérémonie Du cimetière marin Au cimetière des chiens De Villejuif à Bicêtre De Thiais à Lachaise jusqu´à Mac à Saintes Pas de trace du père l´Absinthe
Et comme le chagrin Nous faisait bien du tort On a bu un peu trop fort Quand on l´a retrouvé On n´était plus frais Quasiment à moitié morts L´était entombé Pour l´éternité
Au fond du cimetière Montmartre Non loin de Stendhal et d´ Sacha Guitry Dans un tout petit réduit
Avant d´ le quitter On fit une collecte Pour acheter du Pernod sec Pour lui faire honneur Pas à contre-cœur On trinqua à son malheur Pleurant sur sa tombe Une partie de la nuit On but de façon inouïe Et de libations en libations Nous finîmes au violon
Tous les vieux de la vieille Tous les vieux machins
Tous les assoiffés coquins S´ rappelleront longtemps Du vieux père l´Absinthe Dont on perdit l´enterrement Avec Lucifer Il boit son Pernod Et en enfer y a pas d´eau Bah ! On s´ retrouvera Tous dans l´ même tonneau Au paradis des poivrots