Il aimait porter les mauvaises nouvelles Il avait toujours le mot pour pleurer Les choses de la mort sont particulières Et c´était un drôle de particulier
Consoler une veuve, pleurer un nouveau-né Caresser la joue d´un bel orphelin D´un veuf tout frais éclos soutenir le chagrin Ce drôle de bonhomme ça le faisait bicher
Dès qu´un de ses amis était malade Il courait s´instruire de la maladie Si par bonheur l´issue était fatale Il s´en pourléchait jusqu´à l´agonie
Il aimait porter les mauvaises nouvelles Il avait toujours le mot pour pleurer Les choses de la mort sont particulières Et c´était un drôle de particulier
Faire le faire-part et prévenir le monde Commander des couronnes sous le caveau Se pointer chez Borniol et discuter des pompes
C´était à ses yeux le sort le plus beau
Mais son zèle, hélas, finit par déplaire Ses amis lui interdirent leur trépas À sa vue les malades se f´saient la paire "Monsieur mauvais œil" on le surnomma
Il aimait porter les mauvaises nouvelles Il avait toujours le mot pour pleurer Les choses de la mort sont particulières Et c´était un drôle de particulier
De porter ce chapeau ça lui tournait la tête D´être mis en quarantaine ça le tuait Dans la rue ses amis le fuyaient comme la peste Même ses copains d´enfance l´évitaient
On lui interdisait les mises en bières
Plus question de visites ou de veillées On lui cachait jusqu´au nom des cimetières On lui fermait partout les morts au nez
Il aimait porter les mauvaises nouvelles Il avait toujours le mot pour pleurer Les choses de la mort sont particulières Et c´était un drôle de particulier
"Tant pis, puisqu´on me bêche, bon, puisqu´on me boycotte -S´écria ce malheureux en pleurant- Des vivants et des morts je ne passerai plus la porte Et j´irai tout seul à mon enterrement"
À ses funérailles il n´y eut personne Pas un parent pour prendre du bon temps
Pas un seul ami, ni femme, ni homme Pas même un oiseau ni un chien errant
Il aimait porter les mauvaises nouvelles Il avait toujours le mot pour pleurer Les choses de la mort sont particulières Et ce fut un drôle de particulier