Chaque jour un oiseau rencontre ce garçon Aux yeux baissés, qui se promène sous les arbres, Vers la nuit, qui n´est pas plus gai que de raison
Ni triste, mais l´oiseau l´écoute qui se parle :
Il ne regarde pas les hommes dans la rue, Leurs yeux pâles (dit-il) ni les bêtes du soir, Ni cet ange, ni cette femme de chair pure Dont le visage aime à sourire sans miroir ;
Il est sage, si fatigué que les passants Aimeraient mieux le voir pleurer à leur manière, Et lui font signe, et vont à lui le coeur battant, Mais il s´éloigne seul.
Un reste de lumière Au ciel, une couleur de l´air, le vent, la pluie Lui font plus de plaisir que ces aimables gens,
Le mènent à penser plus de bien de sa vie Et lui donnent le coeur de poursuivre son chant,
S´il chante, s´il se porte à la source des larmes Pour s´étonner de ce mystérieux pouvoir Et laisser, humblement, qu´on lui prenne ses armes Des mains, qu´il soit enfin poète, sans espoir.
Ce qu´il touche s´altère et s´en va dans un rêve ; Les merveilles qu´il forme au gré de ses désirs Je sais trop qu´il ne peut y trouver de plaisir Et qu´un songe, aussitôt qu´il l´incline, s´achève.
- Ainsi passe cet homme, oublié, sans histoire,
Portant l´hostie en bouche et par elle émouvant, Prisonnier de son dieu comme sont les avares, Qui se perd sans bouger au milieu des vivants.