Dans mes jours de malheur, Alfred, seul entre mille, Tu m´es resté fidèle où tant d´autres m´ont fui. Le bonheur m´a prêté plus d´un lien fragile ;
Mais c´est l´adversité qui m´a fait un ami.
C´est ainsi que les fleurs sur les coteaux fertiles Etalent au soleil leur vulgaire trésor ; Mais c´est au sein des nuits, sous des rochers stériles, Que fouille le mineur qui cherche un rayon d´or.
C´est ainsi que les mers calmes et sans orages Peuvent d´un flot d´azur bercer le voyageur ; Mais c´est le vent du nord, c´est le vent des naufrages Qui jette sur la rive une perle au pêcheur.
Maintenant Dieu me garde ! Où vais-je ? Eh ! que m´importe ? Quels que soient mes destins, je dis comme Byron :
"L´Océan peut gronder, il faudra qu´il me porte." Si mon coursier s´abat, j´y mettrai l´éperon.
Mais du moins j´aurai pu, frère, quoi qu´il m´arrive, De mon cachet de deuil sceller notre amitié, Et, que demain je meure ou que demain je vive, Pendant que mon coeur bat, t´en donner la moitié.