Sa jeunesse, qui ne fut pas toujours à l’abri du besoin,… lui fit contracter cette âpreté et cette inquiète cet soupçonneuse
irritabilité, suite infaillible, pour les âmes fortes, de l’opposition entre la dépendance à laquelle la nécessité les soumet, et de la liberté que demandent les grandes pensées qui les occupent. CONDORCET.
C’est ce qui m’a tué ! Bénoni Borel.
Il dort, mon Bénoni, bien moins souffrant sans doute, C’est le premier sommeil qu’aussi longtemps il goûte ; Il dort depuis hier que, le regard terni,
Dans sa débile main il a serré la mienne, Disant : Vous m’aimez tous ! maintenant qu’elle vienne !… Il dort, mon Bénoni !
Il dort, mon Bénoni ! viens le voir, il repose ; Marche bien doucement, car le bruit l’indispose. Viens le voir au salon d’où chacun s’est banni ; Parlons bas, parlons bas, s’il allait nous entendre, S’éveiller pour souffrir, son sommeil est si tendre ! Il dort, mon Bénoni !
Il dort, mon Bénoni ! de ta main inquiète Relève ces rideaux ; oh ! regarde sa tête,
Vois ses grands yeux fermés, son front moins rembruni, Le calme de ses traits ;… tiens, le vois-tu sourire ? Un doux rêve l’occupe, écoutons :… il soupire… Il dort, mon Bénoni !
Il dort, mon Bénoni ! quoi ! méchant, tu l’appelles ? Laisse-le dans sa paix ; tu trembles, tu chancelles, Tu l’embrasses, tu prends son bras qui m’a béni ! Ne le réveille pas… D’où naissent tes alarmes ? Je vais pleurer aussi, si tu verses des larmes ? Il dort, mon Bénoni !
— Il dort, ton Bénoni !… Douce erreur que j’envie ! Pauvre enfant !… ignorant le secret de la vie, Son jour mélancolique avant l’heure a fini ; Son Âme avait brisé son corps par la pensée, Et sans être comprise aux cieux clic est passée ! Il dort, ton Bénoni !