Heure incertaine, heure charmante et triste : les roses Ont un sourire si grave et nous disent des choses Si tendres que nos coeurs en sont tout embaumés ;
Le jour est pâle ainsi qu´une femme oubliée, La nuit a la douceur des amours qui commencent, L´air est rempli de songes et de métamorphoses ; Couchée dans l´herbe pure des divines prairies, Lasse et ses beaux yeux bleus déjà presque endormis, La vie offre ses lèvres aux baisers du silence.
Heure incertaine, heure charmante et triste : des voiles Se promènent à travers les naissantes étoiles Et leurs ailes se gonflent, amoureuses et timides, Sous le vent qui les porte aux rives d´Atlantide ; Une lueur d´amour s´allume comme un adieu À la croix des clochers qui semblent tout en feu Et à la cime hautaine et frêle des peupliers :
Le jour est pâle ainsi qu´une femme oubliée Qui peigne à la fenêtre lentement ses cheveux.
Heure incertaine, heure charmante et triste : les heures Meurent quand ton parfum, fraîche et dernière fleur, Épanche sur le monde sa candeur et sa grâce : La lumière se trouble et s´enfuit dans l´espace, Un frisson lent descend dans la chair de la terre, Les arbres sont pareils à des anges en prière. Oh ! reste, heure dernière ! Restez, fleurs de la vie ! Ouvrez vos beaux yeux bleus déjà presque endormis
Heure incertaine, heure charmante et triste : les femmes
Laissent dans leurs regards voir un peu de leur âme ; Le soir a la douceur des amours qui commencent. Ô profondes amours, blanches filles de l’absence, Aimez l’heure dont l’oeil est grave et dont la main Est pleine des parfums qu’on sentira demain ; Aimez l’heure incertaine où la mort se promène, Où la vie, fatiguée d’une journée humaine, Entend chanter enfin, tout au fond du silence, L’heure des songes légers, l’heure des indolences !