J´ai cent ans et j´suis bien content J´suis assis sur un banc Et j´regarde mes contemporains C´est dire si j´contemple rien J´file des coups d´canne aux passants
Des coups d´pompe aux clébards Qui m´énervent et j´me marre On peut rien m´dire, j´suis trop vieux, Trop fragile, trop précieux J´ai cent ans, qui dit mieux J´ai plus d´amour, plus d´plaisir Plus de haine, plus d´désirs Plus rien Mais j´suis comme le platane Un peu d´pluie, j´suis en vie, ça m´suffit J´suis bien
J´ai des marmots qui m´courent partout autour Des gonzesses moins, mais ça mange pas d´pain J´parle aux oiseaux, comme disait l´autre idiot Et j´me d´mande où j´ai mis mon chapeau
J´ai cent ans et j´suis bien content
J´ai encore mal aux dents Mais la souffrance c´est très rassurant Ça n´arrive qu´aux vivants J´attends tranquille sur mon banc Que ce vieux monde explose Tant il se décompose Moi, ça fait quatre-vingt-quinze ans Que j´crois plus à grand chose Il est temps qu´ j´me repose J´ai plus d´amour, plus d´plaisir, Plus de haine, plus d´désirs, Plus rien Mais j´suis comme le platane Comme ma canne, j´suis solide et ancien J´suis bien
J´souhaite pas aux p´tits jeunes une bonne guerre Vu qu´moi j´en ai pas eu, à part Mai 68
Mais j´me rappelle même plus en quelle année c´était Ni qui c´est qu´avait gagné.
J´ai pas cent ans, je faisais semblant C´étaient qu´des mots, du vent Mais j´aimerais bien les avoir demain Même aujourd´hui j´veux bien Pour jouir enfin du bonheur D´avoir pu traverser Sans me faire écraser Cette pute de vie, ses malheurs Ses horreurs, ses dangers Et ses passages cloutés