Sur une des pointes de l’île du diable Y´a le banc de Dreyfus Je pense à tout ce qu´il a vécu pendant longtemps Accusé puis récusé
Et encore à nouveau condamné Puis rejugé il s´est fait réhabiliter La justice la poursuivi Et pourtant lui après dix ans il s´en est sorti Je regarde les vagues se fracasser sur les rochers Laquelle va m´emporter
J´en ai loupé des cavales en partant sur l´eau Hier on était à cheval sur des tonneaux Parti à deux dans la tempête On s´est jeté dans le grand bain On est rentré mais pas mon copain napolitain Il a disparu Sur son fut d´huile d´olive Jolie mort pour un italien Je regarde l´écume et l´amplitude de la marée Laquelle va m´emporter
Impossible de rester une minute de plus Juste en dessous de ce qu´on appelle le banc de Dreyfus Je ne suis pas parti tout seul mais avec Sylvain Un autre bagnard qui mourra lui quelques jours plus tard Accrochés à nos sacs flottants On va dériver pendant trois jours sur l´océan Pas un seul requin pour nous croquer les doigts de pied La cavale a commencé On arrive à moins de trois cent mètres du rivage A marée basse on reste coincé sur la vase ok Encore un peu de patience On attend que la dernière marée Nous amène tout près des rochers
Mais le soleil Lui a tapé sur le système Sylvain quitte le radeau pour y aller quand même Il s´enfonce dans la vase tout entier et à tout jamais Oh la mort l´a emporté
Comment n´as tu pas pu supporter de cuir encore L´eau de mer et soleil t´ont cramé la peau Comment un mec comme toi Un montagne de muscle un dur N´a pas attendu que la vague te porte en lieu sûr Oh plus je fuis et plus je suis repris La plus tenace est elle la mort ou la vie A chaque fois je m´en sors Sans même me demander Laquelle va m´emporter
Sur une des pointes de l’île du diable Y´a le banc de Dreyfus Mais désormais tout seul je marche dans la brousse Je file en pleurant sans me retourner Tout droit vers ma toute première nuit en liberté Et il est trop tôt pour le savoir Mais de toute ma vie je ne reverrais jamais le mitard Je ne reverrais pas les îles du salut Cayenne les matons le bagne non plus
Sur une des pointes de l’île du diable Y´a le banc de Dreyfus